Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE GOUVERNEMENT DE LA COMPAGNIE DES INDES

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Mais la Compagnie des Indes Occidentales fit connaître qu'elle ne pouvait tenir cet engagement, parce que le roi ne consentait plus à lui accorder les gratifications prévues sur le commerce des îles; qu'en conséquence, elle était obligée de porter à neuf livres les droits à percevoir à l'entrée et à la sortie des produits coloniaux. Cette nouvelle indigna les habitants qui prirent pour chef Guillaume Le Roy. Le 1er juin, la Capesterre fut en révolte ouverte. Bientôt ce fut le tour du Carbet, localité située à une lieue de Saint-Pierre. L'émeute menaça de s'étendre à l'île entière. Clodoré prit des mesures pour combattre les mutins. Il fit partir trois capitaines pour les sommer de mettre bas les armes immédiatement. Ces officiers réussirent assez bien dans leur mission; car, à la vue de Clodoré marchant à la tête d'une petite troupe, les séditieux se dispersèrent (19). Cette fois, le péril fut conjuré sans effusion de sang par le gouverneur qui tint à absoudre les habitants, bien que ce fût le second acte d'insubordination. Tracy, qui était encore à la Guadeloupe, jugea que Clodoré était un administrateur et capable de maintenir dans l'obéissance les Martiniquais. Il se décida à quitter les Antilles pour le Canada, suivant les dernières instructions du monarque. Cependant si la paix régnait à l'intérieur de la colonie, à l'extérieur elle paraissait peu ferme. L'habile politique de Louis XIV avait en effet permis à la France, tout en jouant le rôle de puissance médiatrice, de laisser s'entre-choquer les flottes rivales anglaises et hollandaises dont les désastres ne pouvaient tourner qu'au profit de la marine et du commerce français. Car il importe de signaler que la France travaillait à son tour à détenir la maîtrise des mers (20). Bientôt, se plaçant au côté de la Hollande, elle déclarait, le 26 janvier 1666, la guerre à l'Angleterre (21). Aux colonies, les Anglais n'avaient pas attendu l'ouverture des hostilités entre leur pays et la France pour attaquer les vaisseaux et les possessions de celle-ci. En vain, les gouverneurs français entreprirent des démarches auprès de leurs collègues anglais pour renouveler le pacte de neutralité qui existait pour SaintChristophe. Convoitant la partie française, ceux-ci usèrent beauDu TERTRE : t. 3, pp. 224-229. La marine française, qui sous le cardinal Richelieu était composée de 56 bâtiments, se trouvait réduite, en 1661, au moment où Colbert arrivait au pouvoir, à 30 vaisseaux de guerre. Dix-sept ans après, soit à la paix de Nimègue (1678), la France comptait 120 bâtiments de guerre de différents tonnages. On voit par ces chiffres l'impulsion donnée à notre flotte. (Voir doc. pub. par PIERRE CLÉMENT : Histoire de la vie et de l'administration de Colbert, p. 378.) (21) Elle notifia cette décision au gouverneur de la Martinique, le 6 février 1666. (Doc. pub. par Du TERTRE : t. 4, p. 11.) D'après cet historien, les Anglais avaient reçu la déclaration de la guerre dès la mi-avril, tandis que la Compagnie des Indes Occidentales faisait partir cette même information de France au mois de mars (t. 4, p. 13.) (19)

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