Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME SEIGNEURIAL DE LA MARTINIQUE

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fortuite d'une pirogue à Saint-Pierre, avec le capitaine Nicolas et seize des siens, allait leur fournir l'occasion d'exercer peu honorablement la vengeance. Les Caraïbes, une fois à terre, se mêlèrent aux Français, passèrent avec eux de cabaret en cabaret pour boire de l'eau-de-vie. Beausoleil, un des colons les plus hardis, groupa autour de lui 60 ou 80 hommes énergiques; ils s'armèrent de fusils et, quand les sauvages sortirent d'un cabaret, ils les cernèrent. Plusieurs d'entre eux furent tués. Nicolas, blessé, se jeta à la mer et, après s'être défendu vaillamment contre ses adversaires avec des pierres qu'il retirait du fond de l'eau, il mourut frappé d'une balle à la tête. Deux indigènes, seuls, parvinrent à se sauver dans la pirogue. La colonie craignit que ce ne fût là le prélude d'une nouvelle guerre; afin de l'éviter, Beausoleil et ses compagnons proposèrent une excursion à l'intérieur de l'île, notamment à la Capesterre, pour en chasser tous les sauvages (24). Après maintes délibérations du Conseil, il fut convenu que le sieur de Loubières serait chargé de l'entreprise; qu'il apporterait avec lui tous les matériaux nécessaires pour construire un fort, qu'une garnison serait installée, que chaque soldat proposé pour sa garde toucherait 120 livres de petun, que tout habitant blessé ou soldat estropié recevrait un nègre en dédommagement, que les prises seraient acquises à ceux qui les feraient, que pour les frais de munitions de guerre on frapperait sans exception les habitants d'un droit de 5 livres de petun par tête de nègre, et que les colons qui iraient habiter la Capesterre seraient, à partir de l'élévation du fort, exempts pendant dix ans de tout impôt, à la réserve « d'un chapon » qu'ils offriraient chaque année à Mme Du Parquet pour toute redevance seigneuriale (25). Six cents hommes choisis parmi les plus aguerris furent mis à la disposition de Loubières. Deux prêtres, les Pères Bonin et Boulogne, accompagnèrent l'expédition qui se dirigea sur la Capesterre, en empruntant les voies de terre et de mer. Déjouant tous les pièges tendus, toutes les embûches dressées par les Caraïbes avertis de leurs desseins, les Français parvinrent à la Capesterre, brûlèrent les cases, tuèrent, massacrèrent, sans aucune considération de sexe ni d'âge, tous les indigènes qu'ils pouvaient rencontrer (26). Ceux qui purent se dérober aux coups des colons gagnèrent en toute hâte Saint-Vincent et la Dominique. Ainsi s'explique l'occupation définitive de toute l'île par les Martiniquais (27). Du TERTRE : t. 1, pp. 542-547. Doc. pub. par DESSALLES : t. 1, pp. 31-32. (26) Ibid., pp. 25-26. (27) D'autre part, notons qu'en 1658 « le Révérend Père Fontaine fut établi, par le pape Alexandre VII, préfet de la mission des dominicains, et (24)

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