Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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RÉGIME

SEIGNEURIAL

DE

LA

MARTINIQUE

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ferme. Voulant tout concilier, tout apaiser, il ne réussit point dans son rôle de médiateur. Pour tenter de calmer l'agitation, on décida de convoquer les membres du conseil. A cette réunion où les esprits étaient encore surexcités, on réclama, pour l'interroger sur sa conduite jugée déloyale, la présencè de la générale. A celle-ci, le lieutenant-général fit un bref exposé de la situation et se porta garant de sa personne. Mais à peine Mme Du Parquet avait-elle pris place « que l'un des séditieux se présenta avec un masque sur la figure et, le retirant tout à coup, lui dit : « Le masque est levé ». C'était le mot d'ordre. Les mutins l'entourèrent, la brutalisèrent, l'invectivèrent de sottises et d'injures, et la conduisirent au Prêcheur où elle eut pour prison le magasin de la Compagnie (19). Pour tenter de justifier cette arrestation arbitraire, véritable coup d'Etat, le conseil rédigea le procès-verbal suivant : « Du mardy sixième aoust 1658. Le Conseil assemblé en l'isle de la Martinique où â présidé Médéric, sieur de Gourselas, exerçant la charge de lieutenant-général en l'absence de M. d'Enambuc, sur la plainte des sept compagnies de la dite isle de la mauvaise conduite et entreprise faite par Madame la Générale sur tous les dits habitants qui ont été découvertes et se découvrent tous les jours de plus en plus, le dit conseil a résolu et a ordonné que la dite dame sera démise et dépossédée de tout pouvoir et commandement dans cette isle et que, pour cet effet, elle aura pour sa demeure actuelle les magasins du quartier de la Place d'Armes du Prescheur, sans qu'elle se puisse retirer et faire sa demeure en son logis de la Martinique n'y en aucun autre lieu que celuy ci-dessus (20). » Puis, il décréta des mesures diverses. Défenses furent faites de communiquer avec Mme Du Parquet, sans un ordre exprès de Gourselas et Plainville. Les officiers devaient sortir de leurs habitations munis d'une autorisation et sans armes. Les habitants qui les rencontraient, formant un groupe de trois, étaient autorisés à les fusiller. L'assemblée, par ces prescriptions rigoureuses, prévenait toute contre-révolution. Elle ordonna ensuite, conformément à la promesse faite au peuple, que celui-ci paierait pour tous droits 50 livres de petun; maintiendrait la paix avec les sauvages; saisirait les deux bâtiments garde-côtes pour l'achat desquels l'impôt fut porté de 50 à 100 livres en 1655. De leur côté, les Du Parquet pourraient nommer un intendant « pour la conservation de leurs biens et pour avoir soin de ce qui sera nécessaire à la (19) Du TERTRE : t. 1, pp. 534-538. (20) Ibid., pp. 538-541.


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