Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME SEIGNEURIAL DE LA MARTINIQUE

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de la Grenade en 1656, — l'introduisit dans le conseil, lui trouvant des qualités de savoir et de jugement. La présence d'un étranger dans la plus haute assemblée de l'île déplut aux habitants. Méry Rools, écuyer, sieur de Gourselas, major de l'île, qui avait remplacé La Pierrère dans les fonctions de lieutenant, en conçut un vif ressentiment, en fit part à ses amis, et ainsi un courant antipathique se créa contre la gouvernante. On l'avertit cependant; on lui dit que le peuple désirait qu'elle modifiât sa conduite : elle n'en tint nul compte. Aussi quand elle voulut faire exécuter une ordonnance de feu son mari, prescrivant de fixer le nombre de rôles de petun, afin de pouvoir contrôler si tous les droits étaient bien perçus, les habitants se révoltèrent, attribuant à Maubray la paternité de cet acte. Ils s'assemblèrent au Prêcheur et, par des manifestations bruyantes, protestèrent contre sa présence dans le conseil administratif de la colonie. De Gourselas et le Père Bonin, supérieur des jésuites, après avoir pris l'avis de la générale, partirent pour le Prêcheur. Pour apaiser les séditieux, ils promirent de reléguer Maubray à la Case-Pilote, en attendant qu'il pût quitter la colonie, et de retirer l'ordonnance. Le calme se rétablit : mais l'autorité de la gouvernante restait fortement atteinte. Convaincus de sa faiblesse, les mutins accrurent leurs prétentions. Pour eux, il fallait peut-être agir vite, changer radicalement la constitution de l'île, substituer à la place de l'oligarchie existante un gouvernement démocratique. Le moment n'était-il pas opportun ? Le 22 juillet 1658, le conseil fut assemblé, sous la présidence de Mme Du Parquet. Tout à coup, l'on vit arriver une délégation, représentant les sept compagnies de milices qui demanda à faire connaître ses légitimes revendications. Après délibérations, le conseil accepta les propositions des délégués, et il fut convenu : 1° Que la charge de lieutenant-général sera laissée à Gourselas. 2° Que les habitants ne paieront désormais que cinquante livres de petun au lieu de cent, conformément à la promesse faite par Monsieur le Général. 3° Que le reste de leur petun sera employé aux fins suivantes : un tiers pour les dépenses des habitants, un tiers pour le paiement de leurs dettes, un tiers pour l'entretien de leurs habitations. 4° Que le lieutenant civil Fournier, étant incapable de rendre avec équité la justice, sera remplacé. Mme Du Parquet désigna aussitôt Louis Duvivier, sieur de la Giraudière, licencié ès-lois. 5° Que les habitants, pour la défense de leurs intérêts au sein du conseil, nomment le sieur Plainville leur procureur ou syndic. 6° Qu'à l'avenir, ils ne pourront être exilés ni punis avant qu'ils n'aient eu recours à toutes les juridictions.


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