Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE

POLITIQUE ET

ÉCONOMIQUE

DE

LA

MARTINIQUE

Aussi on n'entendait que gémissemens, on ne voyait que pleurs et qu'une désolation générale : on fit cinq saluts de mousqueterie, ensuite de quoy chaque compagnie se retira à son quartier (15). » II Au lendemain des funérailles de son mari, Mme Du Parquet fit trêve à sa douleur pour s'occuper de l'administration de l'île. Elle tint, dans sa maison de la Montagne, un grand conseil de famille, auquel elle convia les officiers des compagnies de milices, les supérieurs des deux missions et quelques habitants parmi les plus vénérables. Elle rappela à tous que le contrat de vente de la Martinique plaçait cette île sous l'autorité du roi qui seul nommait aux charges de gouverneur général, charges qu'elle serait heureuse de voir attribuer à son fils et qu'elle exercerait pendant sa minorité. L'assemblée, avec calme, suggéra l'idée d'envoyer aussitôt un ambassadeur à la cour, pour solliciter de la bienveillance de Sa Majesté cette grâce. Mme Du Parquet confia cette mission au sieur Le Vasseur qui se récusa, étant obligé de s'embarquer à Saint-Christophe pour se rendre en France (16). Elle désigna alors le Père Feuillet, dominicain, qui accepta de la remplir. Le conseil, avant de clore ses délibérations, jugea nécessaire d'arrêter le protocole de la cérémonie pendant laquelle la générale, en attendant la décision du roi, serait placée à la tête de la colonie. Au jour fixé, les quatre compagnies défilèrent, présentèrent les armes et acclamèrent Mme Du Parquet pour gouvernante. Les officiers, le clergé, les principaux habitants lui prêtèrent serment de fidélité, et enfin tout le peuple (17). Ces bonnes dispositions ne durèrent pas longtemps. Aux mains d'une femme, le pouvoir devint, comme toujours, un réseau d'intrigues. La perfidie de quelques courtisans, pour tâcher de gagner la confiance entière de la générale et prendre en sous-mains les destinées de la colonie, entraîna des rivalités plutôt funestes à la tranquillité publique. D'ailleurs l'autorité seigneuriale s'en ressentit vivement, et dans ce petit pays où l'indiscrétion est pratiquée, ses actes les plus désintéressés furent vivement contrôlés, jugés. C'est ainsi que Mme Du Parquet, qui avait une grande sympathie pour l'anglais Maubray, — le négociateur de la vente (15) ANDRÉ CHEVILLARD : Les desseins de son Eminence de Richelieu pour l'Amérique, pp. 198-201. (16) II est à remarquer que la plupart des vaisseaux appareillant pour la France partaient de Saint-Christophe, car le commerce de la Martinique n'était pas très important. (17) Du TERTRE : t. 1, pp. 528 et suiv.


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