Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME SEIGNEURIAL DE LA MARTINIQUE

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les derniers sacrements et brûlé les pièces du procès de Bourlet auquel il pardonnait, mourut, regretté par toute la population et par ses ennemis même (12). Est-il besoin d'émettre, de notre côté, une opinion sur cet homme, dont les contemporains Bouton, Du Tertre, Chevillard, ont tant vanté les qualités ? Si parfois il n'a pu contenir ses mouvements de violence, s'il s'est abusivement servi de son autorité, faut-il lui en faire un reproche ? Sa grande et paternelle bonté n'était-elle pas une compensation suffisante ? La Martinique, en lui faisant des funérailles nationales, sut montrer l'amour qu'elle avait pour son « cher Jacques ». Cette manifestation prouve combien juste est l'éloge du Père Bouton : « Du Parquet est un brave gentilhomme et bien pourvu de toutes les qualités nécessaires à sa charge de gouverneur. Il y entra et s'y est maintenu jusqu'à présent avec tant d'adresse, sagesse et conduite, qu'il a gagné le cœur aussi bien aux sauvages Caraïbes qu'aux Français. Les sauvages le visitent souvent et le voient volontiers en leurs cases, l'appellent leur compère et le grand capitaine Du Parquet, et celui qui est le premier capitaine parmi eux, que nous appelons le Pilote, a pris son nom (13). » Est-il encore meilleur plaidoyer en sa faveur que ce passage de Du Tertre : « Ses habitants traitaient de pair à compagnon avec lui, et l'obéissance qu'ils lui rendaient procédait plus de la tendresse qu'ils avaient pour sa personne que de la considération due au service du roi ou de la Compagnie (14). » « A peine Monsieur le Général eut-il rendu l'âme, qui fut une heure après minuit, écrivit Chevillard, qu'on dépescha promptement aux officiers absents les ordres qu'ils devaient tenir le lendemain de l'enterrement. » Et ce fut le grandiose défilé du clergé, des quatre compagnies de milices qui portaient le mousquet baissé, les piques traînantes, les tambours drapés de noir. La population civile suivait le cortège et des pleureuses, parmi elle, se faisaient remarquer d'une manière touchante. Une délégation de quarante Caraïbes vint aussi saluer les dépouilles de ce conquérant. Le cortège se déroula ainsi sur un parcours de trois kilomètres, et après le rite catholique, « comme on mettait le corps en terre, tous les canons du fort et toute la mousqueterie ensemble firent entendre au peuple par leur tonnerre qu'on mettait au cercueil toute leur joye et toute leur consolation en la personne de leur seigneur ou plustost d'un père très affectionné.

(12) Du TERTRE : t. 1, pp. 521-523. (13) Arch. Xat. Col. F3-41. Relation Bouton, f° 18. (14) Du TERTRE : t. 1, pp. 186-187.


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