Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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FONDATION

ET

COLONISATION

DE

LA

MARTINIQUE

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charger de tabac. Les sauvages ont tué un Français, on vit quand même en bonne intelligence avec eux; journellement on les rencontre parmi nous, etc. (25). » Sur l'envoi des fonctionnaires à la Martinique, Du Parquet opposait une fin de non-recevoir qui était l'expression de la volonté des vieux habitants, surtout de ceux venus de Saint-Christophe qui se souvenaient des misères subies en cette île, étaient demeurés hostiles à la Compagnie et réprouvaient tous ses actes. Peut-être Du Parquet partageait-il leurs griefs. Il sut le prouver. Durant ce même mois d'août étaient arrivés, par un navire sortant de Saint-Malo, Pierre Gaffé et Pierre Chirard, contrôleur et juge pour la colonie. En leur présence, le gouverneur se contint mal. Il cherche querelle au premier, lui reproche de n'avoir pas tenu sa parole d'amener dans l'île un charpentier et un menuisier, « le consigne à bord et enjoint au capitaine de le reconduire en France ». Avec le second, il ne put agir de même. Une vive controverse s'engage. Chirard proteste avec véhémence contre le sort qu'il lui réserve et, « sa commission à la main », il déclare se référer à l'autorité du gouverneur général si justice ne lui est pas rendue. Sa protestation, formulée en termes juridiques, fait réfléchir Du Parquet. En fin de compte, celui-ci se décide à s'embarquer avec lui pour Saint-Christophe. « Ce qui m'a fait venir icy exprès pour vous voir Monseigneur le général, dit-il, est de sçavoir sa résolution, et s'il désire qu'il y ait un juge à la Martinique qu'il me donne mon congé de me retirer en France. » Puis il explique à Poincy que les habitants veulent que ces attributions soient confiées au gouverneur lui-même. Poincy, après avoir exercé vainement le rôle de médiateur en cette circonstance, fut obligé, devant l'attitude peu conciliante du gouverneur de la Martinique, de lui déclarer qu'il n'acceptait point sa démission et de lui intimer l'ordre de recevoir Chirard en sa qualité de juge. Il les renvoya ensuite à la Martinique. Le 4 septembre 1639, Du Parquet faisait reconnaître le juge Chirard par la population (26). La situation de Chirard se compliqua bientôt par l'hostilité des habitants. Exaspérés, à peine voulurent-ils lui laisser le temps d'achever un procès criminel qu'il avait en cours. De la Vallée, en leur nom, adressa au président Fouquet une vive protestation contre lui, sans que le gouverneur songeât à s'y opposer. « Après quoy, ils lui firent tant de pièces qu'il se vit forcé de sortir de l'île, au commencement de 1640 (27). » Rentré en France, Chirard voulut actionner en dommages et intérêts la colonie et la Com(25) Doc. pub. par Du TERTRE : t. 1, pp. 109 et suiv. (26) Du TERTRE : t. 1, pp. 113 et suiv. (27) Ibid.


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