Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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FONDATION

ET

COLONISATION

DE

LA

MARTINIQUE

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qui fit un si étrange carnage de ces sauvages que ces pauvres gens, croyans que tous les maboyas de la France étaient sortis de la gueule de ce canon pour les détruire, s'enfuyrent sans oser depuis ce temps rien entreprendre contre les Français » (6). D'Enambuc, ayant appris que la colonie de la Martinique était cernée par les Caraïbes, fit partir de toute urgence un secours de « quarante ou cinquante hommes » sous la conduite du capitaine de la Vallée. A sa vue, les Caraïbes se retirèrent « mettant le feu à toutes les cases, arrachant tous les vivres ». Les terres défrichées qu'ils abandonnaient furent accaparées par les Français dont la colonie s'agrandit de ce fait. Mais ces habitants n'auraient pu vivre longtemps en guerre avec les autochtones, ne recevant pas un ravitaillement régulier de la colonie-mère. Du Pont songea donc à s'attirer l'amitié de ces barbares. Il alla au-devant de leurs chefs, les calma, leur donna mille présents et leur offrit la paix. Celle-ci se fit à la fin de l'année de 1635, à la joie des deux nations belligérantes. Heureux d'avoir obtenu ce résultat, Du Pont apportait la nouvelle à d'Enambuc, lorsque la barque qui le transportait fut jetée par un cyclone sur les côtes de Saint-Domingue, où, arrêté, il dut subir une longue détention de plus de trois ans, sans que l'on sût avant sa libération ce qu'il était devenu (7).

II Par le départ de Du Pont, la Martinique se trouvait privée d'un chef. Il fallait bien pourtant nommer quelqu'un à ce poste en attendant que la Compagnie le pourvût d'un titulaire. Ce fut son neveu Du Parquet que d'Enambuc envoya prendre la direction de cette colonie, sur le vaisseau commandé par Baillardel. Quinze vieux habitants, — parmi lesquels Pierre Dubuc, natif de Normandie, qu'un crime avait chassé dès l'âge de dix-huit ans, — quelques serviteurs, telle était l'escorte du nouveau chef de la Martinique. Son arrivée fut accueillie avec joie. Elle contribuait en effet à relever le moral des Français, dont le nombre n'excédait pas deux cents, sous les ordres de la Vallée (8). A peine débarqué, Du Parquet se mit à l'œuvre. Il profita de la présence de Baillardel, dont le vaisseau imposait un certain respect aux sauvages, pour visiter l'île, en acquérir une connaissance approfondie. L'eau y était abondante, les forêts encore touffues et de grandes clairières, propres à la culture des plantes (6) Ibid. (7) Du TERTRE : t. 1, p. 73. (8) Arch. Nat. Col. F3-41. Relation Bouton, f° 18.


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