Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE

ET

ÉCONOMIQUE DE

LA

MARTINIQUE

à bien cette entreprise, il vint avec « environ cent des vieux habitants, tous gens d'élite, accoutumés à l'air, au travail et à la fatigue du païs et qui en un mot n'ignoraient rien de tout ce qu'il faut faire pour défricher la terre et la bien cultiver, y planter des vivres et y entretenir des habitations. Chacun de ces habitants fit provision de bonnes armes, de poudre, de balles, de toutes sortes d'outils, comme serpes, houes, haches et autres ustensiles. Ils se munirent de plants de manyoc et de patates, de pois et de fèves pour y semer : toutes lesquelles choses manquent pour l'ordinaire à ceux qui partent de l'Europe, pour établir des colonies dans les Indes » (2). D'Enambuc ne descendit pas avec sa troupe à l'endroit où avaient abordé l'Olive et Du Plessis. Il alla beaucoup plus vers le Nord, « au fond de ce croissant formé par la pointe Lamarre et la pointe du Carbet, toujours à la partie dans toutes ces îles où la mer est plus calme et la côte plus abordable » (3). Un fort fut élevé « à l'angle formé par le rivage de la mer et la rivière Roxelane, aujourd'hui la rivière du Fort » (4). D'Enambuc le nomma le fort Saint-Pierre. Il fit essarter les lieux, ensemencer, puis il retourna à Saint-Christophe, où l'appelait son administration, en recommandant à Du Pont, à qui il laissait le commandement, de conserver la paix avec les Sauvages (5). Ceux-ci, dont le naturel ne pouvait jamais souffrir le voisinage des Européens de bon gré, commençaient à manifester leur mauvaise humeur. Plusieurs rixes sanglantes, parfois mortelles, eurent lieu. Un fossé profond se creusa entre les deux peuples. Dès lors, les Français n'osèrent plus s'aventurer à la chasse, à l'intérieur de l'île, de peur d'être surpris et massacrés. Cette situation gênante, qui les faisait vivre à l'étroit dans l'enceinte et aux approches du fort, leur était intenable. Ils la supportaient courageusement cependant, en pensant qu'elle ne pourrait durer. Les Caraïbes, de leur côté, avaient convoqué leurs alliés des îles voisines et s'étaient hâtivement préparés pour guerroyer. Le jour convenu, ils se présentent tous sous le fort, « faisant mine d'y vouloir descendre ». Averti de leurs noirs desseins par des leurs, Du Pont fait charger « son canon de mitraille jusqu'à l'embouchure », les laisse venir et à un signal donné ouvre le feu, « ce 1635, je suis arrivé en l'isle de la Martinique par la grâce de Dieu, accompagné d'honorable homme Jean Du Pont, etc.. » Or, en tenant compte de la distance qui sépare Saint-Christophe de la Martinique, on ne peut admettre que le voyage nécessitât plus d'une huitaine de jours au célèbre colonisateur. — Voir Arch. Nat. Col. F3-247, f° 13. (2) Du TERTRE : t. 1, pp. 69-70. (3) Doc. pub. par DANEY-SIDNEY : Histoire de la Martinique, t. 1, pp. 22-23. (4) Ibid. (5) Du TERTRE : t. 1, pp. 70-72.


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