Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

ces prescriptions ont été parfois observées. Quant aux maîtres qui tuaient leurs esclaves, ils étaient poursuivis devant la juridiction criminelle. Lorsqu'ils pouvaient prouver le cas de légitime défense, ils en étaient absous d'office, sans avoir à solliciter du roi des lettres de grâce. L'Africain n'avait pas qualité, selon l'édit de 1685, d'ester en justice. C'était à son propriétaire que revenait le droit de déférer devant le juge ceux qui exerçaient contre lui des violences et voies de fait. Il n'avait pas non plus le droit de battre. L'article 33 déclarait : « L'esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfans, avec contusion ou effusion de sang ou au visage, sera puni de mort. » L'article 34 ajoutait: « Quant aux excès et voies de fait qui seront commis par les esclaves contre les personnes libres, voulons qu'ils soient sévèrement punis, même de mort s'il y échet. » Etait dénoncé par son maître, qui obtenait le prix de sa valeur marchande, en le livrant à la justice, le nègre assassin (52). Dans les occasions ordinaires de la vie, le témoignage des noirs était irrecevable devant les tribunaux (art. 30 et 31). Toutefois, le législateur revint sur cette mesure, et le 13 octobre 1686, il fut prescrit que les esclaves pourraient témoigner en l'absence de témoins blancs, sauf cependant contre leurs maîtres. Cette décision fut confirmée par arrêt du 15 juillet 1738 (53). La condition matérielle et morale des serviteurs noirs était donc des plus misérables. Défense leur était faite de porter des armes offensives, de gros bâtons, à peine de châtiments physiques et de la confiscation des armes dont ils étaient porteurs. Ils ne devaient s'assembler ni le jour ni la nuit, ainsi qu'il avait été prescrit dès le 13 juin 1658 (54), ni même circuler dans les villes et les campagnes, sans avoir une autorisation de leurs maîtres et porter sur leurs vêtements les chiffres ou lettres de l'habitation à laquelle ils appartenaient. Ils encouraient, en cas de délit, la peine du fouet et de la marque. Le récidiviste était puni de mort (art. 16). Assujettis au ravitaillement des marchés publics, les Africains devaient être porteurs, pour y avoir accès, de billets, ordres ou marques de leurs propriétaires, sinon ils étaient emprisonnés, puis rendus à leurs maîtres, et les acheteurs qui n'avaient pas exigé d'eux aucune pièce d'identité étaient considérés comme des recéleurs, à qui on infligeait une amende de 6 livres tournois et la restitution des objets achetés. Cette prescription fut jugée Voir chapitre des finances: caisse des nègres suppliciés, p. 187. Doc. pub. par PETIT DE VIÉVIGNE : Code de la Martinique, t. 1, p. 298. (54) Doc. pub. par MOREAU DE SAINT-MÉRY : Lois et constitutions des colonies, t. 1, p. 83. (52)

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