Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

Page 304

296

HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

III DES

NÈGRES

Les nègres semblent avoir pris pied aux Antilles en même temps que d'Enambuc et ses compagnons. Lorsque ceux-ci partirent, bientôt après, ils possédaient déjà deux forts « ezquels y a 80 hommes et des munitions pour leur conservation, et aussi des esclaves jusques au nombre de 40 environ » (44). Ce sont les premiers travailleurs africains des colonies françaises des Antilles. Avec les progrès de l'agriculture, leur nombre s'accrut rapidement. L'administration métropolitaine favorisa le commerce des nègres par tous les moyens, ainsi que nous l'avons déjà dit : il suffit simplement de signaler que la traite débuta au Sénégal, puis s'étendit successivement jusqu'au cap de Bonne-Espérance (45). Il y eut aussi des esclaves amenés par suite des prises de guerre. L'édit de 1685 (46), qui fut le plus important de tous, confirma les lois antérieures sur l'esclavage, apporta de grands changements dans la situation des Africains aux îles. Il permet d'avoir une idée exacte du sort matériel, moral et social des nègres. En effet, cet édit déclara, par l'article 44, l'esclave « meuble » et, à ce titre, ce n'était qu'une chose, subissant les caprices du maître. Cependant, l'article 2 de cette loi reconnaissait au même esclave une personnalité. Il faisait par obligation aux maîtres de l'instruire dans la religion catholique, apostolique et romaine, de lui faire administrer tous les sacrements de l'Eglise. Cette disposition très sage permit aux religieux de préparer l'intelligence de l'homme, de lui inculquer les premières notions de l'instruction, de le faire concevoir, juger peutêtre grotesquement, la nature et ses éléments. Le Père Chevillard écrivit au début de la colonisation sur la manière d'instruire les esclaves noirs et de « catéchiser avec fruit ». Les nègres, remarque-t-il, sont diserts et intelligents : observateurs attentifs, ils se familiarisent rapidement avec le langage de l'Européen, langage volontairement corrompu pour faciliter sa compréhension. C'est ainsi que le Pater Noster récité quotidiennement était (44) Doc. pub. par L. PEYTRAUD : L'esclavage aux Antilles Françaises avant 1789, pp. 136 et suiv. (45) Doc. pub. par L. PEYTRAUD : L'esclavage aux Antilles Françaises avant 1789, p. 78. (46) Ibid. : Voir le document en entier, pp. 158-166.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.