Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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L'ÉTAT SOCIAL DE LA MARTINIQUE

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accuse d'être vifs, prompts, impatients, décidés et trop attachés à leurs volontés » (33). Tous ces sentiments ne proviennent-ils pas de l'habitude contractée dès l'enfance par les créoles à commander des esclaves et à être obéis à la lettre ? Le climat torride, qui est le leur, ne contribue-t-il pas aussi à énerver ces hommes, à les rendre tenaces dans leurs décisions et dans leurs goûts ? Mais s'ils ne sont point ambitieux, leur franchise fait d'eux des êtres sociables et honnêtes : « A peine a-t-on quelque exemple à la Martinique d'un crime commis par un créole. » C'est que les coloniaux sont sans ruse, sans dissimulation, sans de grande bassesse d'âme. Les mendiants et les voleurs sont rares parmi ces travailleurs acharnés. Les femmes, dit Thibault de Chanvalon, « réunissent à une extrême indolence, la vivacité et l'impatience. Fières, décidées et fortement attachées à leurs volontés comme des hommes, elles sont presque aussi sensibles qu'eux au point d'honneur attaché à la valeur. Une femme se croirait déshonorée, si la bravoure de son mari pouvait être suspecte » (34). Ce dernier jugement, si juste pour l'époque, est contestable aujourd'hui : car, autrefois, l'aristocratie de noblesse et de fortune entraînait des rivalités qui ne s'apaisaient que par le courage déployé, dans des circonstances particulières (duels, rixes, etc...). Depuis, les colonies ont largement évolué, et, aujourd'hui, l'habitude est prise par les Antillais de porter leurs différends devant les tribunaux. La lutte des classes a pris fin, ou se présente sous une autre forme aux îles. La vieille aristocratie de naissance n'existe plus : elle a fait place à l'aristocratie d'argent et d'instruction. Les Martiniquaises sont aimantes, rarement infidèles, mais acceptent difficilement le veuvage. Presque toutes se remarient, si affectionnées, si attachées qu'elles paraissent être à leur premier mari. Enfin, dit Thibault de Chanvalon, elles voyagent peu, montrent plus d'amour pour le coin de terre qui les a vu naître que pour les belles contrées de l'Europe dont on leur parle. Elles sont encore de bonnes mères de famille, élèvent avec tendresse leurs enfants, sachant toutefois se séparer d'eux, quand ils ont atteint l'âge d'être éduqués en France. Elles les voient partir sans grande tristesse, bien qu'elles pensent que la séparation peut être éternelle (35). l'hôte de toute l'aristocratie martiniquaise connue à Saint-Pierre. Sa supercherie fut reconnue et on fustigea l'aventurière sur la place d'Armes. Elle fut, par la suite, expulsée de la colonie. (Doc. pub. par DANEY-SIDNEY : Histoire de la Martinique, t. 4, pp. 86-90.) (33) THIBAULT DE CHANVALON : Voyages à la Martinique, etc..., pp. 31 et suiv. (34) Ibid. (35) THIBAULT DE CHANVALON: Voyages à la Martinique, etc..., pp. 31 et suiv.


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