Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE

POLITIQUE ET

ÉCONOMIQUE

DE

LA

MARTINIQUE

seux qu'ils ne voulaient rien faire. C'est pourquoy les uns sont morts de misère, les autres ont esté exécutés par les ordres de la justice, et les habitans, depuis cela, ont conceu une adversion insurmontable pour ces sortes de gens (30)... » Les doléances des habitants, qui ne voulaient pas être confondus avec ceux que la métropole expulsait de son sein, furent si vives que, trois ans après, le 5 juillet 1722, le roi révoqua tous ses ordres antérieurs, relatifs à la relégation aux Antilles des récidivistes (31). La population martiniquaise se trouva épurée des éléments malsains dont on voulait la doter. Enfin, des premiers habitants de la colonie, il se forma une génération forte, vigoureuse, à l'âme chevaleresque même, généreuse et hospitalière jusqu'à la naïveté (32), dont Thibault de Chanvalon, créole de l'île, membre du Conseil Supérieur et correspondant de l'Académie des Sciences de Paris, sut peindre les caractères et les mœurs, en 1751. L'ouvrage qu'il consacra à sa petite patrie, imprimé en 1763, est trop intéressant pour que nous n'en fassions pas état. C'est, nous dit-il, dan ces « climats encore où l'on exerce avec empressement envers tous les étrangers, sans exception, cette généreuse et tendre hospitalité dont l'histoire ne nous offre plus que les anciennes traditions des premiers âges du monde. On reproche aux Américains que l'ostentation a souvent part à la noblesse de leurs procédés. Si ce reproche n'est pas injuste, ce défaut tourne au moins au profit de l'humanité. Un arbre utile et plein de sève n'en est pas moins précieux pour quelques fruits insipides et superflus qui se trouvent mêlés avec les présents dont il nous enrichit. On les (30) Arch. Nat. Col. C8A-10. Corresp. générale, 1697-1698. (31) Doc. pub. par Louis PAULIAT : La politique coloniale sous l'ancien régime, pp. 289-291. (32) Il y eut, à la Martinique, deux aventuriers célèbres. Le premier se présenta sous le nom de prince de Modène et se réclama de la Maison d'Este. Il essaya d'usurper les fonctions de gouverneur général. Il réussit à se faire de grands admirateurs. Le Père O'Kelly prêcha, en la circonstance, un sermon scandaleux dans lequel « il élevait la Maison d'Este fort au-dessus de la Maison de Bourbon, et félicitait les habitants de posséder un prince que le ciel leur envoyait pour leur faire manger du pain de joye et de consolation, à la place du pain de larmes et d'affliction dont ils étaient nourris ». Il fit de nombreuses dupes et, après son départ de la colonie, on l'arrêta en Espagne. Nombre d'officiers martiniquais furent compromis pour s'être mis à son service. Nous pouvons citer les sieurs Nadau, lieutenant du roi ; Boisfermé, ancien lieutenant ; Laurent Paquet, ancien lieutenant ; Liévain, d'Alesso et Gilbert, ces deux derniers habitants, etc..., contre qui des ordres furent donnés, en 1749, pour leur faire un procès. (Arch. Nat. Col. C8B-10. Corresp. générale, 1737-1760.) Voir, en outre, les nombreuses lettres relatives à l'affaire Modène. (Arch. Nat. Col. F3-27, fos 459-535.) En 1773, c'est une femme qui se présente sous le nom de Sophie-Albertine Bcrtin, femme du sieur Louis-Jacques de la Salle, âgée de vingt-huit ans, née à Metz. Elle prétendait être l'envoyée du ministre de Boyne et en relations avec tous les grands de la cour. Elle était


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