Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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L'ÉTAT SOCIAL DE LA MARTINIQUE

DES RÉCIDIVISTES

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OU VAGABONDS

L'idée d'envoyer dans les colonies, et en particulier à la Martinique, des récidivistes ou vagabonds, mendiants de la métropole, date de l'assemblée des notables de 1627. Elle émit en effet le vœu que ces sortes de gens fussent « obligés de prendre du service dans les compagnies de commerce, de s'embarquer pour les Indes ou de s'engager dans la marine » (27). En 1635, Richelieu fit de ces déshérités des rameurs pour les galères. Ils constituaient de véritables chiourmes. Douze ans après, ce procédé fut jugé si excellent, qu'on l'éleva à la hauteur d'une institution. C'est alors que quelques récidivistes furent dirigés vers les colonies. En 1661, un édit rendu contre ceux que la royauté appelait des mendiants valides, les frappa d'une peine de cinq ans de galères. Mais on finit par s'apercevoir que les compagnies de forçats « étaient de fort mauvaises écoles préparatoires pour la colonisation ». Aussi, par une déclaration du 8 janvier 1719, décida-t-on de reléguer aux colonies ces indésirables (28). Cette mesure fut renforcée par une autre en date du 12 mai, qui enjoignit à toutes les cours du royaume de prononcer contre les mendiants la peine de galères, en ordonnant toutefois leur transfert aux colonies où ils serviront comme engagés soit pour un temps limité, soit pour toujours (29). Ainsi, on pensa faire œuvre humanitaire, en dirigeant les vagabonds vers les colonies où ils trouveraient, par le travail, l'occasion de se réhabiliter. Cette décision souleva dans toutes les colonies des colères indignées. A la Martinique, d'ailleurs, le sort qu'on réservait aux forçats était des plus cruels. Une lettre du 12 mars 1698, du marquis d'Amblimont, en donne une juste idée : « Les peuples d'ici sont si prévenus par leur propre expérience du peu de service qu'il y a à espérer des forçats auxquels Sa Majesté a fait grâce, et qu'elle veut estre envoyés aux isles, que je ne crois pas que qui que ce soit en prenne aucun. Ceux qui y sont venus ci-devant les volaient de tous côtés et ils étaient obligés de les veiller plus soigneusement que leurs noirs. Il n'y en a eu que très peu qui se sont portés au bien, s'estant presque tous rendus si fénéants et pares(27) Doc. pub. par Lours PAULIAT : La politique coloniale sous l'ancien régime, pp. 280-283. (28) Louis PAULIAT : La politique coloniale sous l'ancien régime, pp. 280283. (29) Doc. pub. par DURAND-MOLARD : Code de la Martinique, t. 1, p. 149. Déclaration du roi sur les gens sans aveu, du 12 mai 1719.


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