Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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importantes par le genre de leurs cultures, estimables par l'espèce de leurs colons : ce sont des provinces du royaume de France, comme la Normandie, la Bretagne et la Guyenne ; et s'il était question de prééminence entre les parties intégrantes de l'empire, je ne balancerais pas un instant de l'assigner aux colonies (78). » Puis, entrevoyant sous un aspect beaucoup plus simple la société, il déclara que la classe des commerçants est autant ruineuse qu'inutile dans les rapports du cultivateur, de l'industriel et du consommateur, qui sont les facteurs essentiels de l'existence (79). Remontant à l'origine des colonies, il prouva que le commerce français n'a jamais suffi aux besoins des îles, et, délaissant pour un instant les principes économiques, il aborda ceux de l'humanité, en s'écriant « que l'Afrique perd tous les ans plus de 60.000 nègres... que ces extractions ont opéré peu à peu un dépeuplement des rivages du continent noir ; ses côtes sont désertes et la traite ne pouvant se faire qu'à cent lieues et plus, dans l'intérieur des terres, il s'ensuit que le terme de ce commerce est très prochain » (80). Aussi, déclara-t-il « que la nation la seule sage, la seule riche, sera celle qui munira ses colonies d'esclaves, avant l'extinction totale de la population d'Afrique » (81). Enfin, d'une façon mathématique, Dubuc voyait ainsi la traite: 30.000 noirs à 1500 livres par tête, produisent 45.000.000 de livres à verser à l'étranger. Cette opération est-elle mauvaise? Un nègre est payé par son travail en cinq ans ; ce serait donc un capital de 45.000.000 aliéné au dernier cinq. « Toutes les productions que cette masse de cultivateurs ferait naître après les cinq années, seraient un bénéfice net pour les colonies et sûrement pour l'Etat (82). » Aussi l'enquête du bureau de commerce aboutit seulement à constater l'impossibilité de rapporter l'arrêt du 30 août. Il resta dans l'esprit des négociants « une rancune qui se traduira à maintes reprises pendant les premières années de la Révolution » (83). . Ainsi, par son impuissance, le commerce de France perdit le monopole du ravitaillement intégral des îles. Cette chute fut inévitable : car sur un sol un peu aride, exposé aux fléaux annuels (cyclones, secousses sismiques, etc., etc...), s'augmentaient tous (78) DUBUC : Lettres critiques et politiques, p. 20. 'expression « parties intégrantes de l'empire » est à retenir. Elle laisse entendre une nouvelle conception des colonies. Elle a survécu à tous les conflits économiques pour rester la réalité d'aujourd'hui. (79) DUBUC : Lettres critiques et politiques, pp. 33-34. (80) Cette prédiction fait frémir. (81) Ibid., pp. 249-250. (82) Ibid., p. 259. (83) J. TRAMOND : Le régime commercial aux Antilles Françaises du XVIIIe siècle, p. 169. L


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