Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

à-Pitre à la Guadeloupe, Scarborough à Tabago. Trois entrepôts étaient aussi prévus pour les îles Sous-le-Vent : Port-au-Prince, Cap-Français, Cayes (Saint-Domingue). Antérieurement, un arrêt spécial avait, le 15 mai 1783, accordé la liberté du commerce à la Guyane (75). Puis, autre arrêté du 31 octobre 1784, pour étendre les faveurs gouvernementales à tous les Français qui voudraient armer dans n'importe quel port de la métropole, capable de recevoir à marée moyenne des vaisseaux de 150 tonneaux, pour commercer avec les îles. Dans ce cas, les nouveaux armateurs avaient à faire connaître leur projet d'armement trois mois à l'avance à l'adjudicataire des Fermes Générales. Pour rendre facile la navigation, cet arrêt dispensait les capitaines de vaisseaux de l'obligation qui leur était faite, par l'article 2 des lettres-patentes de 1717, de retourner dans leur port d'attache (76). C'était l'effondrement du monopole commercial. Dès 1780, le commerce de la traite était déclaré libre aux îles du Vent. L'arrêt du 30 août 1784 inaugurait donc un régime nouveau : celui de l'exclusif mitigé. Aussi, les taxes et primes accordées aux armateurs français ne purent-elles apaiser leur courroux. Les commerçants et industriels de Normandie se distinguèrent tout particulièrement dans la lutte. « En une sentence, tranchante comme un couperet, la chambre de commerce de Normandie se fit l'interprète de la conception économique généralement admise à l'époque. » Elle concrétait sa pensée dans ces mots: « Les colonies appartiennent à la métropole, elles ne doivent dépendre que d'elle et ne commercer qu'avec les habitants de la métropole. Ce sont des principes fondamentaux dont il serait très dangereux de s'écarter (77). » La fureur du commerce atteint son paroxysme quand apparaît sous une forme anonyme, en 1785, une publication intitulée « Lettres critiques et politiques ». C'était un écrit de l'infatigable Dubuc. Son plaidoyer était éloquent pour les planteurs. Il dénonçait l'égoïsme mercantile et les vues étroites des négociants de la métropole. En effet, Dubuc s'attaqua farouchement au dicton populaire qui voulait « que les colonies sont formées par la métropole et pour la métropole ». Pour la première fois, il trouva une formule plus juste, plus appropriée : « Les colonies françaises de l'Amérique, écrivit-il, sont des populations agricoles, (75)

Arch. Nat. Col.

F3-262.

Arrêt du Conseil d'Etat du

30

août

1784,

943.

Voir aussi la lettre circulaire adressée aux administrateurs avec les arrêts du Conseil des 30 août et 31 octobre 1784. Cette circulaire est datée du 13 novembre 1784. (Arch. Nat. Col. F3-262, fos 1001-1007.) (76) Arch. Nat. Col. F3-262, fos 991-993. (77) Doc. pub. par PH. BARREY : t. 1, p. 245.


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