Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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Versailles, 6 mars 1777, disait : « Louis, etc... Le commerce des eaux-de-vie extraites des sirops et mélasses, et connues sous le nom de tafia, a été prohibé, dans toute l'étendue de notre royaume, par la déclaration du 24 janvier 1713. L'opinion répandue alors, que cette liqueur était dangereuse et nuisible à la santé, l'avait fait même exclure de la réexportation. Mais l'expérience ayant depuis longtemps prouvé qu'elle était utile et salubre, et le motif principal de la prohibition ne subsistant pas, il est de notre justice d'accorder aux habitants de nos colonies la faculté d'échanger, librement et avec avantage, une partie intéressante de leur production qui était exclue du commerce national et qui peut y entrer très utilement. Nous nous portons d'autant plus volontiers à accorder cette faveur qu'elle est sollicitée par le vœu des chambres de commerce des principales villes maritimes de notre royaume, etc... « Article premier. — A compter du jour de la présente déclaration, permettons à tous armateurs et négociants français faisant le commerce de nos colonies d'Amérique, de faire entrer dans les ports de notre royaume, que nous avons autorisés à faire le dit commerce, telles quantités de sirops, mélasses ou tafias provenant des dites colonies, que bon leur semblera, pour y être mis en entrepôt, à la charge de la réexportation à l'étranger dans les termes qui seront par nous prescrits (73). » D'autre part, dans la guerre contre l'Angleterre, la France ne devait pas apporter seulement des secours en hommes aux Américains ; ceux-ci lui demandèrent des débouchés commerciaux. La nécessité, sans doute, de ne pas compromettre l'essor économique du peuple naissant inspira au gouvernement de nouvelles concessions. On admit les neutres à trafiquer avec les possessions d'outre-mer. Mais, quinze jours après, devant les instances des armateurs, la mesure était rapportée (74). Toutes ces secousses étaient bien de nature à mécontenter les colons et même les étrangers intéressés dans le trafic des îles. L'administration était accusée d'incohérence de part et d'autre; car les privilégiés de la récente mesure gouvernementale ne cessaient de s'agiter parce que, depuis 1776, on parlait d'abolir la traite des nègres : problème redoutable, plein de conséquences pour le négoce. La situation du gouvernement paraissait critique. Les colons étaient plus puissants que jamais et plus exigeants. Pour sortir de cette impasse, l'administration se décida à rendre l'arrêt du 30 août 1784, qui autorisa l'ouverture de trois ports d'entrepôts aux îles du Vent, savoir : Saint-Pierre à la Martinique, Pointe(73) Arch. Nat. Col. F3-262, fos 41 et suiv. (74) Voir ALBERT DUCHENNE, p. 105.


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