Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE

POLITIQUE

ET

ÉCONOMIQUE

DE

LA

MARTINIQUE

étrangers chargés de bois, bestiaux et morue sèche, moyennant le paiement d'un droit de 8 livres par quintal de morue. Le commerce de France protesta encore, en déclarant qu'il pouvait abondamment fournir ce poisson; que d'autre part, il ne pouvait soutenir la concurrence étrangère malgré le droit qui la frappait. Le gouvernement se décida à tenter l'expérience suivante à la Martinique. Il réquisitionna 12 cargaisons de morue à Granville et à Saint-Malo, et chargea La Forcade, négociant à Saint-Pierre, de débiter cette marchandise. L'opération fut malheureuse : La Forcade écrivit qu'il entrevoyait une perte : 1° parce que les habitants délaissent la morue française; 2° parce que le droit de 8 livres par quintal perçu sur la morue anglaise n'enraye pas la fraude. Aussitôt, le roi révoqua son mémoire du 25 janvier par un ordre en date du 22 septembre 1766, et fit défenses de recevoir à l'avenir, dans les ports français des îles, les bâteaux pêcheurs anglais chargés de morue (51). Malgré les efforts déployés par Dubuc pour démontrer que la métropole était incapable de pourvoir aux nécessités des colonies (52), le bureau du commerce de France, à l'unanimité, se prononça pour le maintien intégral de la prohibition. Sans se décourager, le premier commis de la Marine réussit à obtenir de son chef hiérarchique, l'arrêt du Conseil d'Etat du 29 juillet 1767; à l'entrepôt de Sainte-Lucie était adjoint celui du Môle Saint-Nicolas à Saint-Domingue. Les étrangers pouvaient y introduire du bois de teinture, des animaux et bestiaux vivants, des cuirs verts en poil ou tannés, des pelleteries, des raisines et goudrons; ils y prendraient, comme fret de retour, du sirop, du tafia, du sucre et des marchandises apportées de France, en acquittant toutefois un droit d'un pour cent à la sortie de ces produits. Le cabotage de Sainte-Lucie ou du Môle Saint-Nicolas à la Martinique serait cependant assuré exclusivement par les vaisseaux qui quittaient les ports de Saint-Pierre, de Fort-Royal, de la Trinité où existaient des sièges d'amirauté, sous peine de 10.000 livres d'amende. De nombreuses obligations étaient imposées aux navigateurs qui restaient assujettis au scellage des écoutilles de leurs vaisseaux, et le bris des cachets apposés exposait aux mêmes peines prononcées par les lettres-patentes de 1727, contre le commerce frauduleux (53). Enfin, une taxe de 25 sols (51) Lettre du ministre du 22 septembre 1766. (Arch. Nat. Col. F3-260, f° 721.) (52) En effet, le 18 avril 1766, les administrateurs durent prendre un arrêt (qui fut révoqué le 6 mai 1767) pour ravitailler la Martinique en farines et biscuits étrangers. Cette mesure fut provoquée par un cyclone qui ravagea l'île les 13 et 14 août 1766. (Doc. pub. par DURAND-MOLARD : t. 2, pp. 488 et 512.) (53) Arrêt du Conseil d'Etat, portant établissement de deux entrepôts, du 2 juillet 1767. (Pub. par PETIT DE VIÉVIGNE : t. 1, p. 228.)


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