Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET

ÉCONOMIQUE

DE

LA

MARTINIQUE

encourir. La lutte se poursuivit, sourde et tenace, entre les Antillais qui rêvaient de la liberté du commerce et lesmétropolitains pour qui le système protectionniste avec ses prérogatives apparaissait comme la loi fondamentale. Mais les difficultés sans nombre provoquées par les plaintes réciproques finirent par mettre en évidence les vices du régime (34). On pensa, alors, en atténuer les effets en réalisant la circumnavigation envisagée par Colbert, c'est-à-dire favoriser le commerce entre toutes les colonies françaises de l'Amérique, de manière qu'elles se soutinssent efficacement. On se mit à l'œuvre, en recommandant à la consommation coloniale les produits qui faisaient défaut dans une île, contre ceux qui encombraient le marché d'une autre. Les administrateurs eurent à considérer notamment le commerce profitable que les Martiniquais pourraient faire avec l'île Royale. Mais ils devaient finalement borner leur tâche à rédiger de longs mémoires ou encore à dresser de simples plans : car, d'après une lettre du 3 juillet 1752, tout commerce entre la Martinique et l'île Royale parut impossible. Il y était dit, en effet, que la dernière colonie pourrait, en échange du sucre, du rhum, de la mélasse, du café et de l'indigo de la Martinique, fournir des farines, morues, bœufs, madriers, planches, etc..., mais que tous ces objets y étaient apportés par les Anglais; la France n'ayant pu suffire encore aux besoins entiers de l'île Royale, un effort agricole sérieux y était à faire avant qu'on pût commercer régulièrement (35). Il ne suffisait pas de conquérir par les armes des terres neuves pour en tirer immédiatement profit, si riches ou si fertiles fussent-elles, il fallait avant tout songer à leur mise en valeur. Survint la guerre de Sept ans qui interrompit à peu près les relations entre la France et ses colonies. La rareté des vivres se fit sentir à la Martinique. Le ministre Machault, qui pensa un instant à suspendre les prohibitions, tint sa décision en suspens, à la suite de l'assurance que lui donnèrent les députés du commerce de France de ravitailler abondamment les insulaires au plus tôt. Les Antilles, languissant dans l'attente des secours promis, s'adressèrent à la fin, pour leurs subsistances, aux neutres, aux ennemis même. La Guadeloupe tombait entre les mains des Anglais. Isolée, la Martinique, qui tirait ses ressources alimentaires en grande partie des rapines des flibustiers, succombait à son tour en 1762. Mais malgré sa chute, plus que jamais, (34) PH. BARREY : Mémoires et documents pour servir à l'histoire du commerce et de l'industrie en France, t. 1, p. 235. (35) Arch. Ministère de la Guerre. Lettre anonyme adressée à l'intendant Hurson. Reg. n° 3393, f° 52.


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