Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

Page 264

256

HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

Après 1610, les arrivées se multiplièrent. « On voit armer pour la Tortue, la Barboude, la Martinique, la Dominique, SainteLucie. » Certains actes officiels, d'après Ph. Barrey, l'attestent, notamment celui du 9 août 1628, par lequel Jean Perrier, de la paroisse de Bléville, près du Havre, déclarait devant les tabellions que « s'étant embarqué à la fin de 1623 sur le navire la Levrette, capitaine Etienne Decqueville, celui-ci était décédé à la Martinique et à la Dominique ». Cependant Perrier et ses compagnons, par suite du délabrement de leur vaisseau, avaient vécu deux ans dans ces îles, séjourné ensuite à Saint-Christophe jusqu'à l'arrivée de d'Enambuc en 1627, et y avaient rencontré le voyageur Jean Cramollet, parti du Havre en 1624. Mais ce sont là seulement des initiatives privées que le désir du gain encourage. Il faut arriver aux époques de la colonisation (1626 pour Saint-Christophe, et 1635 pour la Martinique) pour trouver des règles émanant du gouvernement français, en vue d'asseoir le commerce de ses nationaux, représentés par des compagnies. Celles-ci, en effet, se réservaient le droit exclusif ou monopole du commerce, comme le seul moyen de se dédommager des sacrifices faits pour l'établissement et la conservation des terres ou îles qu'elles mettaient en valeur. Ce principe entraînait pour elles l'obligation de ravitailler régulièrement et abondamment les coloniaux. Malheureusement, ces compagnies, par suite de l'éloignement, de la guerre, de leur impuissance ou incapacité, furent les premières à manquer à tout engagement. Aussi, la Martinique languit-elle sous ce régime. En proie à la lutte avec les autochtones, réduite à une subsistance précaire, ses habitants firent appel au commerce étranger, et principalement au commerce hollandais, suivant d'ailleurs l'exemple de ceux de Saint-Christophe. Ils y trouvaient un grand profit; car les capitaines ou marchands français, poussés par un mercantilisme intransigeant, voulaient en effet gagner presque toujours cent pour cent sur leurs marchandises parfois avariées. Par contre, les Hollandais, en prenant comme fret même des objets de France, arrivaient à écouler leurs denrées à meilleur marché, se contentant d'un bénéfice moindre. Leurs marchandises, logées dans des cales sèches, plus spacieuses, arrivaient en meilleur état. Ils demandaient un fret réduit pour les denrées qu'ils chargeaient à leur bord, accordaient des facilités de voyage à l'habitant. Ce fret était en général du neuvième du petun embarqué, et tout chargeur de 3000 livres (2) avait un passage gratuit jusqu'au port d'attache du vaisseau. Grâce à cette manière d'agir qui s'ac(2) Dans son règlement du 17 mars 1665 pour la Martinique, article 15, Tracy ordonna cette faveur pour les habitants qui expédiaient, par navire français, au moins 4000 livres de denrées. (Arch. Nat. Col. C8B-1.)


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.