Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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L'AGRICULTURE ET L'INDUSTRIE A LA MARTINIQUE

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du Conseil d'Etat cet arrêt du 20 juin 1698, qui augmenta les droits d'entrée du sucre blanc des colonies de sept livres par cent pesant. Toute barrique de sucre blanc pilé, venant des Antilles Françaises, qu'il fût raffiné ou terré, était frappée de ce droit, soit 15 livres le cent au lieu de 8 livres. Ce même sucre blanc, lorsqu'il était en pain, payait un droit d'entrée de 22 livres 10 sols. On pensa en France pouvoir ruiner la raffinerie ou le ferrage créoles au moyen de mesures fiscales sévères. On diminua de 20 sols le droit d'entrée du sucre brut, qui passa ainsi de 4 à 3 livres (110). Ce tarif douanier excessif produisit un effet contraire à celui attendu. Les cultivateurs, craignant jusqu'ici que le sucre terré ne fût interdit, virent par là que l'Etat, en le taxant, le reconnaissait loyal et marchand. L'impulsion générale fut donnée. On commanda des pots et des formes à Bordeaux, Rouen, et Nantes envoya de la terre. Il s'érigea bien vite de nombreuses poteries dans l'île. Durant cette lutte économique engagée avec la métropole, les colons trouvèrent un immense débouché au Brésil où les Portugais, qui avaient introduit l'usage du sucre terré, venaient d'abandonner cette industrie pour s'occuper avec leurs nègres des mines d'or qu'ils avaient découvertes. Le port de Marseille apprenait à étendre son commerce jusque dans les colonies d'Amérique. Il y importait ses marchandises de Provence et chargeait en retour du sucre terré qu'il répandait dans la Méditerranée et dans le Levant. L'industrie sucrière se trouva du coup favorisée. L'époque des vaches grasses s'annonçait. Commandé de toutes parts, le sucre terré passa, en 1701 et 1702, de 42 à 44 livres tournois le quintal, le sucre brut de 12 à 14, 15 livres (111). Il semble pourtant prouvé que la suppression totale de la raffinerie et du terrage fut envisagée plus tard, vers 1784, par les administrateurs Dumas et Viévigne, sous le fallacieux prétexte que le commerce de France, sans tenir compte des avantages que le turbinage du sucre brut procurait à la métropole, refusait de le charger sur ses vaisseaux comme étant une marchandise encombrante. Ces hauts fonctionnaires proposaient au ministre d'obliger les colons à ne fabriquer que cette sorte de sucre. La réponse de la cour, datée du 17 février 1785, tout en reconnaissant les avantages qui résulteraient d'une telle loi (extension de la navigation, multiplication de la maind'œuvre et augmentation des raffineries du royaume), déclarait qu'à l'heure actuelle le gouvernement ayant cru devoir et depuis longtemps tolérer les raffineries coloniales, il serait bien difficile d'y revenir. Ce serait « d'ailleurs priver les colonies du débouché (110) (111)

Ibid. Doc. pub. par

DANEY-SIDNEY

: t.

2,

pp.

330

et suiv.


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