Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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L'AGRICULTURE

ET

L'INDUSTRIE

A

LA

MARTINIQUE

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en faire l'échange de 1500 livres pour un baril de bœuf salé, de 2500 livres pour un baril de lard, et la barrique de vin de Bordeaux était estimée à 3000 livres (76). La même année, sa valeur d'argent était de 40 à 50 sols le quintal. Lorsque l'on payait en marchandises, le quintal était estimé à 60 sols, et lorsque l'on se servait de bons, il valait moins de 40 sols (77). Après la paix de Nimègue, le nombre de sucreries avait augmenté (78) et les raffineries européennes en proportion (79). Aussi, de nombreux navires vinrent-ils chercher le sucre brut aux colonies. Le prix de cette denrée s'éleva à 4 livres 10 sols ou 90 sols le quintal. En 1697, date du traité de paix de Ryswick, il fut à nouveau majoré et l'année suivante, il était de 9 livres (80). Ce sucre excita toutes les convoitises européennes, nécessita une ferme politique du gouvernement français au risque de tout bouleverser dans ses relations extérieures, et, par l'avilissement de son prix, affola le planteur créole; les industriels coloniaux devaient se contenter de le fournir à la métropole, sans gain rémunérateur, parce que l'usage de le consommer en cet état était inconnu du bas peuple français (81) et qu'il fallait le faire passer entre les mains de 12 ou 15 Européens, maîtres de la raffinerie du royaume (82), avant de le livrer à la consommation des classes fortunées (83). Ce produit, après avoir engendré tant de misères aux îles, devait cependant rendre un jour heureuses les infortunées créatures des colonies qui avaient persévéré dans sa fabrication. « Laisser faire aux habitants ce qu'ils jugent de plus à propos sur leurs terres. Il est à présumer qu'ils se porteront toujours à cultiver les denrées qui auront le plus de cours et de débit (84). » (76) Doc. pub. par DANEY-SIDNEY : t. 2, pp. 330 et suiv. (77) Ibid. D'autre part, nous trouvons des prix intéressants pour les sucres bruts dans les colonies anglaises. Ils valaient sur les lieux mêmes 18 livres le cent pesant, et en Angleterre 40 livres. Les colons anglais, largement rémunérés, n'éprouvaient aucune utilité à raffiner ces sucres. « Quel est donc le rapport de cet état avec l'état de la Martinique, où les sucres bruts ne se vendaient que 50 sous le cent ? » (Arch. Nat. Col. C8A-9. Robert, mémoire du 21 avril 1696.) (78) On en comptait 122 à la Martinique, en 1683. (Arch. Nat. Col. C8B-17. Recensement des isles de l'Amérique, 12 avril 1683.) (79) Celles-ci étaient au nombre de 10 ou 12 à la même époque dans les villes de Nantes, la Rochelle et Bordeaux. (Arch. Nat. Col. C8A-9, Robert, mémoire sur l'état présent de la Martinique, 21 avril 1696.) (80) Doc. pub. par DANEY-SIDNEY : t. 2, p. 330 et suiv. (81) On consommait en Angleterre beaucoup de sucre brut. Aussi son prix fut plus élevé qu'en France. Nous avons déjà donné des indications à se sujet. (Voir Arch. Nat. Col. C8A-9. Mémoire de Robert du 21 avril 1696. (82) Ibid. (83) PAUL-M. BONDOIS : pp. 53 et suiv. (84) Arch. Nat. Col. C8A-11. Lettre de Damblimont au ministre du 4 mai 1699.


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