Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

Page 243

L'AGRICULTURE ET L'INDUSTRIE A LA MARTINIQUE

235

contrées, et qu'il fallait assurer à la navigation le fret d'aller et du retour (69). L'industrie coloniale avait-elle pris une si grande extension au point de concurrencer avantageusement celle de la métropole, ce qui justifierait les plaintes ? Non, mais elle allait être grevée de lourds droits d'entrée en France. Le 11 avril 1682, ceux-ci furent de 8 livres tournois (70). La nouvelle de cette augmentation fut mal accueillie par les habitants et en particulier par le Conseil Souverain, composé de magistrats colons. Le lieutenant du roi Gémosat, le procureur général L'Home, furent priés de s'entendre avec le gouverneur général Blénac pour convoquer une assemblée extraordinaire, afin d'étudier les desiderata des habitants. Le gouverneur ne partageant pas cet avis, manifesta le désir d'ajourner la discussion jusqu'à l'arrivée du nouvel intendant nommé à la place de Patoulet. Mais le procureur général objecta qu'il était important que le roi fût promptement informé de la situation précaire dans laquelle l'industrie sucrière allait se débattre; que d'ailleurs, les colons avaient déjà dressé un mémoire. En conséquence, il fut décidé que ce mémoire serait enregistré et expédié à Sa Majesté. Plaidoyer énergique en faveur de l'industrie coloniale, ce mémoire réduisait à néant les affirmations des raffineurs métropolitains. Il mettait surtout en relief la situation des industries antagonistes. Quand bien même, s'écriait L'Home, les sucres raffinés ne payeraient aucun droit d'entrée en France, les raffineries de la métropole subsisteraient plus facilement que celles des îles. En dehors de la matière première que l'industrie antillaise trouve sur place, — ce qui est un avantage, — n'a-t-elle pas des charges énormes que la raffinerie du royaume ignore ? N'a-t-elle pas à recevoir d'Europe des poteries, des chaudières, des ustensiles de toutes sortes : charbon de terre, ardoise, toiles à blanchir, futailles, etc., etc..., qui coûtent très cher ? Le fret de tous ces objets n'est-il pas acquitté d'après un tarif excessif ? La raffinerie des îles ne fait-elle pas venir de France, à ses frais, des commis et des ouvriers ? Ne leur paye-t-elle pas, au bout d'un certain temps de service, un voyage d'agrément en Europe après leur avoir versé des appointements forts, doublant ceux qu'ils pourraient obtenir sur le continent (71). (69) Arch. Nat. Col. F3-248. Extraits des registres du Conseil Souverain du 2 novembre 1682. (70) Arch. Nat. A D-XI-48. Arrêt du 18 avril 1682. Ces droits étaient répartis ainsi entre les fermiers : 6 livres à Jean Fauconnet, fermier général des cinq grosses fermes; 2 livres à Jean Oudiette, fermier du domaine d'Occident. (71) Arch. Nat. Col. F3-248. Extrait des registres du Conseil Souverain du 22 novembre 1682, fos 733 et suiv.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.