Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

Page 241

L'AGRICULTURE ET L'INDUSTRIE A LA MARTINIQUE

233

saires pour montrer aux habitants la manière de raffiner leurs sucres ou du moins de les convertir en cassonnades blanches, terrées et raffinées, il sera nécessaire que vous donniez, s'il vous plaist, non seulement toute la protection et les assistances qui dépendront de vous au dit Loover pour l'exécution de ce dessein, mais même que vous fassiez connaître, en public et en particulier à tous les dits habitants, l'avantage qui leur reviendra de s'appliquer à la manufacture des dits sucres (62). » Deux ans plus tard, le 8 février 1684, Baas put annoncer au ministre « que les principaux habitants des isles inclinent à vouloir raffiner leurs sucres, et commencent à comprendre qu'ils auront plus d'avantage de les envoyer en France en cet état » (63). L'activité de la nouvelle industrie se manifesta alors sincèrement. Loover, arrivé à la Guadeloupe avec deux raffineurs métropolitains, jeta dans cette île les premières bases de raffineries. Mais sa situation privilégiée déchaîna contre lui la jalousie de ses pires ennemis, notamment celle du gouverneur Du Lion, qui le fit emprisonner, sous de prétextes futiles. Le gouverneur général dut intervenir en sa faveur, tant sur les lieux mêmes qu'en France (64). Malgré tout, l'industrie créole prit naissance. Patoulet put écrire au monarque qu'il y avait à la Martinique deux grandes raffineries, « lesquelles sont en avance chacune de 40 à 50.000 écus ». Elles occcupèrent 40 ouvriers raffineurs métropolitains depuis 1679. On fonda désormais sur elles de beaux espoirs pour rendre la colonie prospère. Déjà, annota l'intendant, le prix du sucre a augmenté du tiers de sa valeur : « Je fais tous mes efforts pour persuader à d'autres habitants d'en élever de nouvelles. S'il y en avait seulement six dans cette île, elles feraient au moins toutes les années pour huit ou neuf cent mille livres de commerce (65). » L'essor de cette industrie ne s'arrêta pas là. Il fut cependant entravé dans sa marche par des règlements de toutes sortes. Est-ce que la raffinerie coloniale à peine née s'était avérée nuisible aux intérêts antillais ? Non, puisque le sucre brut avait augmenté du tiers de sa valeur. Mais la matière première utilisée sur place commençait à être moins abondante sur le marché français. Un conflit était inévitable entre la raffinerie métropolitaine et la raffinerie indigène qui employaient également le sucre brut pour le raffiner. Après avoir enlevé aux Hollandais le sucre brut, Colbert allait-il déposséder prématurément l'industrie antillaise de ce produit ? Le gouvernement métropolitain, en effet, (62) (63) (64) (65)

Arch. Arch. Arch. Arch.

Nat. Nat. Nat. Nat.

Col. Col. Col. Col.

F3-247, f° 955. C8A-1, Baas à Colbert, lettre du 8 février 1674. C8A-1. Baas à Colbert, lettre du 25 juin 1674. C8B-1, Patoulet, lettre du 26 décembre 1680.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.