Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

Page 238

230

HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

ce ministre prit une série de mesures augmentant sans cesse les droits d'entrée des sucres étrangers (arrêts de septembre 1664, 15 septembre 1665, 1667) : les sucres des colonies françaises, de quelque qualité qu'ils fussent, payeraient 4 livres par quintal (46). Cette politique produisit ses fruits. Les établissements français, ainsi protégés, eurent un tel succès que leurs produits concurrencèrent ceux des étrangers sur d'autres marchés (Allemagne, Suisse, Savoie, Italie). Les raffineries hollandaises fermèrent leurs portes (47) et, dès le 12 octobre 1670, Colbert pouvait écrire à Baas : « Les étrangers ne nous apportent plus de sucres pour notre consommation et nous commençons même, depuis six semaines ou deux mois, de leur en envoyer (48). » Aussi, encouragea-t-il en France la construction des raffineries. Il voyait, dans cette industrie une source de revenus appréciable. Le 17 octobre 1670, il annonça qu'une troisième raffinerie s'élevait à Bordeaux, que d'autres étaient en perspective, qu'il fallait encourager les habitants de la métropole à s'engager dans cette voie, « étant certain que l'augmentation » du commerce qui en résultera « produira beaucoup d'avantages à la ville de Bordeaux » (49). L'industrie sucrière, pensa Colbert, devait se développer non seulement en France, mais aux colonies même, car la denrée était précieuse pour l'Europe, le Levant, etc.. Ordres furent donnés d'établir la raffinerie coloniale. Dès le 4 mars 1670, Baas, en envoyant à la cour de France des échantillons de sucre raffiné : le supérieur des jésuites, le Père Brion, disait-il, était disposé à faire dix mille livres de ce sucre à la Martinique; certains officiers de justice étaient aussi prêts à suivre son exemple; bientôt, beaucoup d'habitants en feront autant (50). Cependant, la production coloniale en sucre raffiné paraissait intimement liée à celle de la métropole. Elle devait, d'après Colbert, soutenir celle-ci. L'idée de la concurrencer ne germa pas dans le cerveau du grand homme d'Etat, qui ne voyait qu'une chose : combattre l'hégémonie hollandaise. Aussi ce ministre laissa-t-il aux colonies la liberté de vendre à l'étranger toute surproduction de leurs sucres qui pouvait être importée en France,

(46) Arch. Nat. A D-XI-48. « Arrêts et imprimés », 1660-1780, concernant les sucres. (47) Cette attitude du gouvernement français, après le droit de 50 livres par tonneau mis sur l'entrée du commerce étranger, coûta à la France la guerre avec la Hollande, terminée par le traité de Nimègue en 1678. (PAUL-M. BONDOIS : pp. 28-29.) Arch. Nat. Col. C8B-1. Mémoire sur les sucres, 1685. (48) Doc. pub. par PIERRE CLÉMENT : t. 3-2, p. 498. (49) Doc. pub. par PIERRE CLÉMENT : Lettre à Lombard, t. 2-2, p. 568. (50) Arch. Nat. Col. C8B-1. Lettre de Baas du 4 mars 1670.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.