Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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L'AGRICULTURE ET L'INDUSTRIE A LA MARTINIQUE

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la Guadeloupe. Du Parquet, qui les avait chassés de la Martinique parce qu'ils étaient calvinistes, eut à se repentir de cette intolérance qui privait son île d'industriels de valeur (27). Il les rappela par des faveurs de toutes sortes, ainsi que nous l'avons vu (28). La culture de la canne à sucre exigea l'entretien de vastes terrains qu'il fallait bêcher. Si les colons avaient pu s'enrichir dans la plantation du tabac qu'ils cultivaient eux-mêmes avec l'aide de quelques engagés et esclaves, il n'en était pas de même de la nouvelle denrée qu'on essayait de mettre en valeur. Aussi la politique du gouvernement métropolitain sera-t-elle d'activer la traite des nègres, de l'encourager par des faveurs nombreuses. Qu'importe le nombre des travailleurs nègres ! Pour l'instant, l'Africain est un instrument indispensable, un intrument agricole, dont l'entretien est peu coûteux. Colbert est au pouvoir, stimulant le marché honteux de la traite, faisant entendre son Credo, par exemple dans les considérants qui accompagnent la suppression des droits sur les nègres de Guinée, dans son ordonnance du 26 août 1670. Il n'est rien, dit-il, « qui contribue davantage à l'augmentation des colonies et à la culture des terres que le laborieux travail des nègres; Sa Majesté désire aussi faciliter autant qu'il se pourra la traite qui s'en fait des côtes de Guinée aux dites isles; ... a ordonné et ordonne que tous particuliers français, qui feront à l'avenir la traite des nègres de Guinée aux isles de l'Amérique, seront exempts du droit de 5 % qu'ils avaient accoutumé de payer pour les dits nègres » (29). Avec les progrès de l'industrie sucrière, les nègres arrivèrent chaque jour plus nombreux, au préjudice des engagés. Ils étaient, pour la plupart, répartis sur les champs pour la culture de la canne, dans les manufactures pour la cuisson du vesou qui donne le sucre. Leur entretien, limité au strict nécessaire, était, pour la nourriture, de farine de manioc, patates, ignames; parfois l'on ajoutait de la viande salée ou de la morue et un peu d'eau-de-vie. Le vêtement était, pour les jours de travail, « un méchant caleçon de toile et un bonnet » pour les hommes, une jupe pour les femmes. Les dimanches et jours fériés, ceux-là portèrent une chemise et un caleçon de couleur avec un chapeau; celles-ci reçu(27) D'une relation écrite en 1660 sur les Antilles, nous extrayons ce passage : « Il y a quelques années que 400 Hollandais, qui étaient venus du Brésil, voulurent habiter le Carénage. Ils y avaient déjà défriché et planté tous les environs à la satisfaction des Français qui en tiraient beaucoup d'avantage; mais M. Du Parquet, par politique et encore plus par maxime de religion, voyant qu'ils étaient calvinistes, les contraignit de déloger et de se retirer. » (Arch. Nat. Col. F3-39, f° 4. Relation anonyme.) (28) P. 219. (29) Arch. Nat. Col. B-2, f° 185. 15


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