Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE

POLITIQUE

ET

ÉCONOMIQUE

DE

LA

MARTINIQUE

porter. D'après les historiens les plus qualifiés, cette plante avait été importée d'assez loin : d'autres comme Labat, Boyer-Peyreleau, ont essayé de démonter le contraire : d'autres enfin, sans doute moins bien renseignés, n'ont pas osé se prononcer de manière catégorique sur cette délicate, mais intéressante question (23). Plus formel, en ce qui concerne la Martinique, est le Père Labat : « Les premiers Français, dit-il, qui se sont établis à SaintChristophe, à la Martinique et à la Guadeloupe, y ont trouvé des cannes naturellement crues et nées dans ce païs qu'on en a provigné et multiplié l'espèce que l'on cultive aujourd'hui et dont on fait le sucre. Je défie qu'on puisse me prouver qu'elles ont été apportées de dehors (24. » Tous les historiens sont, par contre, d'accord pour reconnaître que l'on doit aux Portugais et aux Espagnols le secret d'en extraire du sucre. Il ne semble pas d'ailleurs que cette industrie de la canne resta longtemps inconnue. Déjà, sous Du Parquet, la Compagnie des Iles de l'Amérique avait envoyé un sieur Trézel, dans l'intention d'encourager cette culture. Celui-ci avait reçu, le 6 avril 1639, 2400 arpents, afin d'établir des moulins, et plus tard des encouragements de toutes sortes. Mais il quitta la colonie pour passer à la Guadeloupe (25). Cependant, l'impulsion était donnée et, quelques années après, la consommation du sucre était en vogue « et l'on voyait un confiseur de la Martinique qui confisait des ananas, du gingembre, du piment vert, des oranges et autres fruits. Personne ne s'embarquait pour la France ou la Hollande sans faire provisions de ces confitures » (26). Cette impulsion était due aux Hollandais émigrés au Brésil. Dès 1664, ils avaient introduit l'industrie de la canne à sucre à (23) Boyer-Peyreleau rapporte que le sucre (au dire de Lucain) était connu des anciens et qu'il provenait probablement de l'Orient. Continuant sa démonstration en partant de l'antiquité pour arriver au XVIIe siècle, époque de la colonisation, il signale que Strabon, Marc Varron, Sénèque, Dioscoride, Gallien et Pline ont aussi parlé du sucre et qu'enfin la canne croissait naturellement aux Indes Orientales, en Morée, en Sicile, en Afrique et dans d'autres pays. Les Maures la cultivèrent avec succès en Espagne d'où on la transporta aux Açores, à Madère, aux Canaries et aux îles du Cap-Vert, et de là elle fut introduite en Amérique et aux Antilles. Elle devait cependant y être indigène, puisque Gage relate qu'en se rendant au Mexique en l'année 1625, et en faisant escale à la Guadeloupe le 20 août, les Caraïbes lui présentèrent des cannes et divers fruits. « François Ximenès, Jean de Larry, le Père Hennepin et d'autres voyageurs disent que la canne croissait sans culture et d'une grandeur extraordinaire sur les rives de la Plata, de Janeiro et du Mississipi, et Jean Laët soutient qu'elle était indigène à Saint-Vincent. » (BOYER-PEYRELEAU : t. 1, pp. 23-24.) (24) J. LABAT : t. 3, p. 126. (25) PIERRE MARGRY : Revue Maritime et Coloniale, juillet-septembre 1878, p. 44. (26) Du TERTRE : t. 2, p. 470.


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