Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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L'AGRICULTURE ET L'INDUSTRIE A LA MARTINIQUE

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Ces concessions étaient dans le principe de 200 pas de large sur 1000 de longueur. Plus tard, la terre se faisant rare, on réduisit la longueur attribuée à 500 pas (4). Mais de véritables abus se glissèrent dans cette distribution. Dès 1680, les administrateurs durent lutter contre l'avidité de certains habitants qui, concessionnaires de plusieurs lopins de terre, en sollicitaient de nouveaux, bien qu'ils fussent dans l'incapacité d'exploiter avantageusement les premiers. Pour mettre un terme à ce scandale, le roi par des lettres-patentes, notamment celles du 7 juin 1680 et du 12 octobre 1683 « déclara nulles les concessions des terres non établies dans les six années de la concession ». Les déclarations des 6 août 1713 et 3 août 1722 exigèrent de plus qu'il fût fait un établissement dans la première année, à peine de réunion au domaine. Enfin l'article 2 de la déclaration du 17 juillet 1743 confirme au gouverneur général et à l'intendant le pouvoir d'aliéner à la colonie toute concession insuffisamment exploitée. Un jugement intervenait à cet effet, et la terre pouvait être concédée à d'autres particuliers. Ces dispositions ayant pour but de hâter la mise en valeur, il eût été plus sage de faire désintéresser par le nouveau concessionnaire l'habitant dont l'effort n'avait pu être couronné de succès jusqu'au bout. Mais, il ne semble pas qu'on ait tenu compte du préjudice causé à ce dernier; on se bornait à regarder son incapacité comme un cas d'aliénation (5). Le Père Labat fait remarquer, d'ailleurs, que cette sévérité gouvernementale ne fut connue que « des seuls gens ayant peu de crédit auprès du gouverneur général » (6). Résumons-nous, en faisant état de la lettre de 1765 du comte d'Ennery, qui raconte l'historique des concessions et fournit notamment des indications précises sur la valeur des pas à la Martinique. Cette île, dit-il, « appartenait autrefois à Du Parquet et la Guadeloupe à Houël. Ces deux administrateurs, pour avoir plus de terres à donner, réduisirent le pas à trois pieds. Les choses en étaient ainsi lorsque les Hollandais, chassés du Brésil par les Portugais, vinrent demander asile et s'établir dans ces deux îles. M. Houët les reçut à bras ouverts et leur donna des terres dans la règle qu'ils avaient établie de trois pieds le pas. M. Du Parquet, au contraire, refusa de les recevoir; mais ne tardant pas à s'apercevoir d'une faute qui le privait d'un nombre de cultivateurs habiles et industrieux, il se força de les rappeler

(4) BOYER-PEYRELEAU :

Les Antilles Françaises (surtout Guadeloupe), t.

I,

pp.

112-113. (5) PETIT :

pp.

Droit public ou gouvernement des colonies françaises, t.

272, 299, 300.

(6)

J.

LABAT :

Nouveaux voyages aux isles (1696), t.

3,

p.

45.

1,


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