Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

pas un grand intérêt. Le colon s'adonnait à de fructueuses pêches, à des chasses, à des défrichements multipliés. Il ne cultivait que les denrées propres à sa consommation et le surplus devait lui assurer, par l'échange, les objets de la métropole dont il avait besoin : comestibles, tissus, instruments aratoires, outils divers, etc.. Aussi les transactions commerciales se firent-elles régulièrement, même avec les nations rivales, malgré les ordres du gouvernement français qui voulait assurer de bonne heure toute l'exportation coloniale à ses nationaux (1). A l'origine de la colonisation, le gouvernement royal n'avait pas cru devoir vendre les terres que le hasard de la navigation faisait tomber sous sa domination. Il les concédait à des tiers qui en avaient fait la conquête, ou aux aventuriers qui les sollicitaient. Il ne semble pas que des formalités fussent prescrites pour avoir une concession. La bonne foi paraissant être la règle à cette époque et l'absence d'institutions administratives : greffes, notariats, etc., faisait qu'on se contentait de la parole donnée. Le lieutenant-général assignait à chacun son lopin de terre, à la condition d'y construire au plus tôt une habitation. L'île étant très montagneuse, les habitants furent assez éloignés les uns des autres et ne purent, sans de grandes fatigues, communiquer aisément. « Nos terres habitées, écrivit un contemporain, le Père Bouton, sont divisées en trois étages; celles qui sont les plus basses et proches de la mer, s'appellent habitations du premier étage; et celles qui sont au delà et au-dessus des mornes, sont nommées le troisième étage : car il y a quelques habitations sur les mornes plus bas et moins rudes à monter (2). » Mais plus tard le développement de la colonie fit sentir l'utilité d'instituer des règles pour le partage de la propriété. D'après le Père Labat, pour avoir des terres gratuites, il suffisait d'adresser au gouverneur général un placet dans lequel on faisait ressortir sa qualité, sa situation de famille, le nombre de ses esclaves et ses autres moyens de travail, la superficie des terres que l'on convoitait et le lieu où elles étaient situées. A son placet, l'intéressé devait joindre un certificat du capitaine du quartier et de l'arpenteur royal attestant véritable sa déclaration, précisant surtout que le terrain sollicité appartenait à la colonie et qu'il n'était jusqu'ici concédé à personne. Le concessionnaire devait effectuer un défrichement s'étendant au moins sur le tiers des terres reçues, dans un délai de trois ans, à peine de voir annuler la propriété ainsi acquise (3). (1) Voir le chapitre suivant. (2) BOUTON : Relation de l'establissement des Français, depuis 1635, en l'isle de la Martinique, p. 31. (3) J. LABAT : Nouveaux voyages aux îles (1696), t. 3, pp. 43-44.


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