Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME

FISCAL

DE

LA

MARTINIQUE

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celles des cultivateurs, sur le loyer des maisons, sur les droits d'entrée et de sortie, sur les gens de couleur libres et sur les nègres autres que ceux employés à la culture, lesquels demeureraient exempts d'imposition. Par une ordonnance du 3 janvier (101), Claude-Charles vicomte de Damas et Joseph-François Foulquier, gouverneur et intendant, rendirent exécutoire le vote de l'assemblée coloniale. Aussitôt ces décisions rendues publiques, les négociants, marchands et industriels élevèrent clameurs et protestations. Ils nommèrent quatre commissaires chargés de faire des représentations à l'assemblée coloniale. Leurs démarches n'ayant eu aucun résultat, ils déclarèrent unanimement qu'ils ne paieraient pas l'impôt. La scission se fit définitivement entre la ville et la campagne. Les autorités locales décidèrent de mettre des garnisaires chez les quatre commissaires de commerce : Ruste, de l'Horme, Fortier et Joyau. Cette mesure rigoureuse accrut l'irritation des protestataires qui devint inquiétante. Ceux-ci, pendant deux jours, fermèrent leurs magasins, menacèrent d'un soulèvement. Par prudence, le gouverneur et l'intendant retirèrent les garnisaires, suspendirent provisoirement le droit d'entrée sur les marchandises non sujettes au poids et la taxe de l'industrie, et annoncèrent que l'incident serait porté devant le ministre. En attendant la décision, l'assemblée coloniale, mue par un sentiment pacifique, laissa percevoir l'impôt selon le mode antérieur, c'est-à-dire sur la capitation, et, dans sa séance du 9 février 1789, maintint le nouveau droit d'entrée sur les marchandises avec quelques atténuations. Les administrateurs, suivant le vœu émis par-elle, réduisirent à 8 %, au lieu de 9 % par quintal, la taxe sur les barriques de sucre livrées par les habitants et prorogèrent le droit de péage sur le canal du Lamentin (102). Le comte de la Luzerne, alors ministre de la Marine, répondit en désapprouvant la taxe sur l'industrie : « La franchise la plus entière, disait-il, tient à l'essence de l'industrie; toute entrave, toute gêne lui répugnent; l'impôt dont elle est grevée à la Martinique doit d'autant moins être continué, qu'il est odieux en soi et qu'il détruit gratuitement ce qu'il faut maintenir et accroître surtout dans les îles. En supprimant cet impôt, Sa Majesté croit accomplir un vœu général dans les colonies (103). » Il engagea (101) Arch. Nat. Col. F3-245. Ordonnance concernant l'imposition de 1788, fos 373 et suiv. (102) Arch. Nat. Col. F3-265. Ordonnance du 15 février 1789, de l'imposition, f° 469. Arch. Nat. Col. F3-265. Procès-verbal des délibérations de l'assemblée coloniale de la Martinique, année 1789, fos 450 et suiv. (103) Arch. Nat. Col. F3-265. Extrait de la lettre du ministre du 19 mars 1789, fos 481 et suiv.


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