Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

tures de toutes les dépenses ordinaires et extraordinaires de la régie. Il devait rendre chaque mois à la direction du domaine son compte particulier des recettes faites sur chaque nature de droits, ainsi que celui des dépenses; il fournissait des extraits de ses registres et des bordereaux nécessaires pour confectionner les différents états du directeur du domaine qui, en fin d'année, avait à établir son compte général pour toutes les îles du Vent. Le receveur de Saint-Pierre avait donc un travail infiniment minutieux et compliqué. Il ne tarda pas d'ailleurs à produire des états erronés, et c'est ainsi que le ministre eut à reprocher à l'intendant que les bordereaux de l'année 1740 fournis par lui et envoyés à la cour, le 20 mai 1741, se trouvaient différents des duplicata expédiés au mois d'avril 1742. A cette date, Maurepas n'avait pas reçu encore les états des recettes et dépenses de 1741, et il ne pouvait à loisir suivre les mouvements réguliers de la trésorerie coloniale. Mais l'inconvénient le plus dangereux, concluait-il, n'était peut-être pas dans la confusion qui régnait maintenant dans ce service ou dans les retards apportés à la reddition des comptes. Il se trouvait dans le mode de gestion du receveur de Saint-Pierre — unique comptable de la colonie — qui pouvait tomber dans la gabegie. Outre les fonds qu'il détenait, n'avait-il pas en mains les billets et mandats des habitants ? Ne pouvait-il pas proroger leurs échéances moyennant un pourcentage prélevé à son profit ? L'agiotage était à craindre, de même que l'emploi des fonds à des opérations spéculatives. L'intendant, disait le ministre, n'avait alors aucun moyen pour empêcher ce fonctionnaire de malverser. S'il vérifiait sa caisse, il pouvait alléguer que des versements avaient été faits dans la caisse de la marine; si le haut fonctionnaire contrôlait celle-ci, le guichet devra être fermé au public, car de nouvelles opérations entraveraient cette vérification. Un contrôle sérieux ne pouvait d'ailleurs se faire sentir qu'en l'exerçant tous les jours, travail auquel il ne faudrait pas alors s'assujettir. Dans ces conditions et pour simplifier la comptabilité générale, il convenait de séparer les deux caisses. Comme par le passé, le receveur du domaine fera ses versements au bureau du trésorier de la marine, mensuellement, contre récépissé dûment établi. L'intendant n'aura plus qu'à s'occuper de la gestion de ce trésorier : il la vérifiera au besoin, prescrira à cet employé de ne garder, par devers lui, que la somme nécessaire à régler les affaires courantes. Le reste devra être versé, ainsi que cela se pratique à Saint-Domingue, dans une caisse fermée par deux clés dont l'une sera détenue par le trésorier de la marine et l'autre par son contrôleur (42). (42) Dépêche du ministre Maurepas du 20 septembre 1742 (déjà citée).


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