Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME

FISCAL

DE

LA

MARTINIQUE

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Cependant, en 1760, vers la fin de la malheureuse guerre contre l'Angleterre, le Conseil s'arrogea le droit de lever une imposition de 12 sols par tête de nègre pour dédommager les habitants de la perte de leurs esclaves. Un des colons les plus distingués de l'île, Dubuc de Sainte-Preuve, s'opposa pour sa part à la mise en vigueur de cet impôt, s'appuyant sur les mêmes motifs que le Conseil avait jadis évoqués devant la cour. Sentant la légitimité de la réclamation, le Conseil Supérieur supplia le roi d'user de son droit ou de sa munificence pour donner à cet arrêté force de loi, car il était juste de dédommager les habitants du prix des nègres perdus dans la défense du pays. Il est à regretter que Sa Majesté et ses ministres n'aient point répondu à cette supplique (39). Depuis qu'en janvier 1733 le domaine d'Occident avait été séparé de la régie des Fermes-Unies, tous les revenus perçus étaient versés dans la caisse du receveur général des domaines, puis dans celle du trésorier de la marine. C'étaient — domaine et marine — deux services distincts qui fonctionnaient, le premier pour la perception de tous les droits et impositions, le second pour l'administration générale de la colonie : approvisionnements et munitions destinés aux troupes, aux navires du roi, etc., etc.. C'est, par exemple, par son office que tous les fonctionnaires étaient payés. L'intendant était le principal chef de ces deux branches d'administration. Voulant sans doute simplifier la comptabilité de ces différents services, il crut nécessaire de réunir leurs caisses entre les mains du receveur du domaine ; mais l'expérience tentée échoua, et le ministre dut conseiller, en 1742, de revenir à l'ancien état de choses (40). En effet, le comptable de la Martinique était surchargé de travail; indépendamment du nombre considérable des registres ou journaux de recettes et dépenses qu'il avait à tenir, il devait faire accepter les billets et mandats donnés par les habitants en paiement de leur capitation, en faire ensuite le recouvrement et arrêter les états dus par les capitaines de vaisseau pour droits d'entrée et de sortie dans les ports, car, prétendait le ministre, « ce serait un abus très dangereux de s'en rapporter, pour des opérations si délicates, à des commis subalternes » (41). Le receveur du domaine avait encore à s'occuper de la comptabilité de la capitation en nature (entrée des paiements en sucre), de sa conversion en argent (sortie par ventes du sucre) ; il prenait note des effets provenant des prises, saisies et confiscations; il passait les écri(39) Voir DANEY-SIDNEY : t. 3, pp. 276 et suiv. (40) Dépêche du ministre Maurepas à La Croix, intendant des îles du Vent, du 20 septembre 1742. (Doc. pub. par DURAND-MOLARD : t. 1, p. 443.) (41) Ibid.


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