Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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RÉGIME

FISCAL

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existait encore, n'absorbaient que le tiers de la recette (28). L'impôt eût été beaucoup plus important sans les nombreuses exemptions accordées à certains habitants, parfois des plus riches, soit pour leur personne, soit pour leurs esclaves. Il faudrait rappeler ici que l'intensification de la culture de la canne à sucre avait contribué à peupler les îles de nègres, ce qui faisait évaluer la fortune du colon d'après les esclaves qui étaient à son service. Aussi prit-on pour base de cet impôt le nombre des nègres valides de quatorze à soixante ans. Aucun allégement fiscal ne pouvant se faire que par des exemptions pour ces derniers, chacun chercha à en bénéficier. Une déclaration du roi ne tarda pas d'ailleurs à régler les prétentions que les dégrèvements faisaient naître. Datée de Versailles, 3 octobre 1730, elle fixait le droit de capitation à cent livres de sucre par habitant, esclave ou engagé. En étaient exempts, pour leur personne seulement, les enfants au-dessous de quatorze ans, et les vieillards au-dessus de soixante; les créoles, c'est-à-dire les blancs nés dans la colonie, engagés ou libres, les femmes et les ecclésiastiques y résidant. Pouvaient bénéficier aussi de ces avantages pour leur personne, y compris tous les domestiques et esclaves qu'ils employaient, les gouverneurs généraux, les intendants, les gouverneurs particuliers et tous les officiers d'épée, les fonctionnaires civils, les membres du Conseil Supérieur et les juges de l'île, en un mot tous ceux qui exerçaient une fonction publique et même les médecins et chirurgiens ayant brevet du roi, les nobles ayant titres de noblesse enregistrés au Conseil Supérieur. Les femmes de ces privilégiés jouissaient, pendant leur viduité, d'une exemption réduite à la moitié de celle dont avaient bénéficié leurs maris encore titulaires de leurs offices, commissions ou titres au moment de leur décès. En outre, des encouragements étaient donnés à tous ceux qui entreprenaient de nouveaux établissements. Ils avaient droit à l'exemption pendant deux ans, pour leur personne, leurs domestiques, leurs nègres, à la condition de faire préalablement une déclaration à l'intendant qui déterminait le nombre de ces derniers nécessaires au nouveau défrichement. Les colons qui avaient droit à une exemption, en vertu de deux titres différents, ne pouvaient les cumuler, mais se prévalaient de celui qui donnait le plus fort avantage. Défenses étaient faites, sous peine de confiscation et d'amende, aux habitants qui, n'ayant pas assez d'esclaves pour le nombre d'exemptions dont ils pouvaient se prévaloir, déclaraient, comme leur appartenant, les serviteurs (28) Voir lettre du ministre, du 20 janvier 1738, adressée à l'intendant Dorgeville et publiée en appendice.


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