Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

taxe du « don gratuit », la répartir et même commettre les agents chargés de la percevoir (15). Conformément à ces ordres royaux connus le 15 janvier 1715, les habitants furent réunis pour délibérer sur cet impôt: les administrateurs informèrent à la cour que la contribution nouvelle dite « don gratuit » avait été acceptée par le peuple avec toute la bonne volonté possible, toute la soumission voulue, tout le zèle attendu (16). Mais l'application de cette mesure fut rendue impossible par les coloniaux, notamment les Guadeloupéens qui se soulevèrent en armes aux cris de : « Vive le roi sans octroi ! » (17). Le gouverneur général conçut une vive appréhension sur la répercussion fâcheuse qu'allait avoir, à la Martinique, l'attitude des Guadeloupéens. Dans son compte rendu adressé au monarque, lors de l'assemblée du 15 janvier 1715, il n'avait pas fait état des incidents survenus au cours des délibérations. Pourtant, d'après un anonyme, il avait exercé sur les délégués une forte pression, allant jusqu'à expulser de la salle l'un d'entre eux, qui avait discuté la proposition royale (18). Jusqu'alors, disait-il, il avait employé la persuasion dans sa colonie pour arriver à faire accepter sans contrainte la nouvelle charge fiscale, comme d'ailleurs le monarque le lui avait prescrit : « Vous m'avez ordonné, écrivait-il, d'agir avec douceur, je l'ai fait et me suis contenté des menaces, n'ayant pas voulu aller plus loin. Si vous souhaitez qu'on les y oblige, ayez, s'il vous plaît, la bonté de m'envoyer les ordres du roi bien positifs pour l'exécution de ses volontés, afin que je me conforme tant pour ce qui est arrivé à la Guadeloupe que sur les difficultés qui pourraient survenir dans les suites (19). » Le besoin d'argent, pourtant, était pressant aux îles. Que faire alors, si les habitants refusent de payer ? Duquesne tourna la difficulté en frappant les comestibles de France et les denrées des îles d'une nouvelle taxe. Le commerce, disait-il, ne souffrira point, car ce sera toujours l'habitant qui payera dans ses achats et dans ses ventes (20). Cependant, ces débats intéressants avaient fini par suggérer au gouverneur général d'autres solutions plus apaisantes pour les Martiniquais. A son avis, le régime fiscal en vigueur était vicieux (15) Arch. Nat. Col. C8A-20. Lettre de Duquesne du 30 décembre 1714. (16) Arch. Nat. Col. B-27. Lettre du roi à Duquesne et Vaucresson du 24 juillet 1715, fos 263-264. Pourtant, un anonyme accusait ces hauts fonctionnaires de menacer de la peine de mort tous ceux qui ne peuvent s'acquitter de cet impôt. En conséquence, l'île se dépeuple et bientôt près de 2000 hommes auront quitté la Martinique. (Arch. Nat. Col. Ibid.) (17) Arch. Nat. Col. C8A-20. Duquesne, lettre du 5 juillet 1715. (18) Arch. Nat. Col. B-27. Lettre du roi à Duquesne et Vaucresson du 24 juillet 1715, fos 2 63-264. (19) Arch. Nat. Col. C8A-20. Duquesne, lettre du 5 juillet 1715. (20) Arch. Nat. Col. C8A-20. Duquesne, lettre du 15 juillet 1715.


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