Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME

FISCAL

DE

LA

MARTINIQUE

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royaume et ne put, comme par le passé, envoyer des fonds aux colonies. Celles-ci ne durent compter que sur elles-mêmes dans les périodes de calamités qui suivirent. Il leur fallut supporter, en sus des impôts courants, d'autres impôts levés pour acquitter les frais de garnison des troupes royales et les fortes dépenses des fortifications. Le roi, était-il écrit aux administrateurs, « ne voulant point supporter toutes les dépenses pour les ouvrages nécessaires dans les colonies pour mettre les biens des habitants à couvert des insultes des ennemis, et étant nécessaires, étant même de la dignité et de la grandeur du souverain maître dont dépendent les colonies françaises qu'elles soient fortifiées dans les endroits où les peuples sont établis... il paraît très important de pourvoir au plus tôt aux moyens de fortifier, aux frais des habitants, les endroits des îles qui doivent l'être pour la conservation du bien public » (13). Dès lors (1696), on envisagea les mesures à prendre pour couvrir les frais de cette nouvelle dépense. L'intendant Robert s'arrêta à la suggestion de faire payer par les habitants une contribution fixe. Cette somme serait fournie au moyen d'une taxe de 3 livres qui se lèverait, sans exception aucune, sur tous les nègres et négresses. Sa perception serait confiée au receveur du domaine, ou à un de ses commis. Quant aux travaux de fortification, ils seraient exécutés selon les plans établis, et les dépenses auxquelles ils donneraient lieu seraient dressées en fin d'année, en même temps que les recettes, pour être soumises, avec toutes pièces justificatives à l'appui, aux délibérations des principaux habitants (14). Sans doute, à cause de la guerre qui désolait l'Europe et les colonies, ce projet n'eut pas de suite immédiate. Mais il ne fut pas abandonné entièrement, car Sa Majesté chargea les administrateurs Duquesne et Vaucresson de l'étudier à nouveau (1714). Ceux-ci voulurent mettre la taxe sur les comestibles importés dans l'île et sur ceux qui en sortaient. Ils fixèrent même le droit à lever, sur la barrique de sucre, à 6 livres. Mais ils durent revenir sur leurs décisions, car les mouvements des ports de la colonie étant irréguliers, ils ne furent pas d'accord sur les recettes à réaliser. En conséquence, ils demandèrent à Sa Majesté d'exiger, sur chaque tête de nègre, une autre taxe qui aurait nom de « don gratuit » et qui permettrait de réaliser un fonds de cent quatre-vingt mille livres, pour être employé aux travaux de fortifications et à l'entretien des troupes. Comme compensation, Sa Majesté reconnaîtrait aux habitants le droit de se réunir en assemblée pour voter la (13) Arch. Nat. Col. C8A-9. Mémoire du 12 mai 1696 pour servir de réponse aux ordres du roi contenus dans les instructions de Sa Majesté du 12 août 1695, remises au sieur Robert lors de son départ pour l'Amérique. (14) Ibid. 12


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