Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

songeait à introduire des réformes profondes dans l'administration de celles qui lui restaient. Pourtant, l'attention de la cour de France sur la dénomination de « cour souveraine » fut éveillée bien auparavant : en effet, le 13 avril 1655, Louis XIV, dans un lit de justice, contraignait d'abord à l'obéissance le Parlement de Paris, et en 1665 il substitua, au nom jugé séditieux de « cours souveraines », celui de « cours supérieures » (55). Cette dernière décision était suffisamment importante pour être notifiée par la suite aux colonies. Si donc l'ancienne appellation survécut, il faudrait conclure, par hypothèse, à la perte de l'ampliation destinée aux îles du Vent : car ce fut seulement vers 1679 qu'un intendant fut chargé de mettre de l'ordre dans les lois, ordonnances, lettres-patentes, rendues dans les colonies, de veiller à la conservation de ces documents. Dans l'intervalle (1665-1679), il est aisé de concevoir que les employés du ministère de la Marine et les conseillers perdirent de vue le sens de la décision royale, et continuèrent à se servir dans leurs correspondances du terme courant, « cour souveraine ». Ce fut Choiseul, en 1763, qui en fit à nouveau la remarque. « J'ai reçu, écrivit-il aux conseillers du Cap (Saint-Domingue), le mémoire que vous m'avez adressé, intitulé : Remontrances au roi et autres pièces qui y étaient jointes... En ayant égard au fond de vos représentations, Sa Majesté a trouvé mal à propos que vous les lui eussiez fait parvenir sous le titre de Remontrances : elle vous défend à l'avenir d'user du terme de remontrances et elle veut que, dans tous les cas qui pourront se présenter, vous ne vous adressiez qu'à son gouverneur et à son intendant (56. » L'injonction royale prescrivait à nouveau l'emploi de la voie hiérarchique. « Sa Majesté, ajoutait le ministre Choiseul, a aussi observé que, continuant de vouloir vous assimiler aux parlements du royaume, vous définissiez votre mémoire par les mots de gens tenans le Conseil Souverain ; elles vous a cependant fait connaître ses intentions sur l'irrégularité de cette qualification; elle vous défend de prendre d'autres qualités que celle de Conseil Supérieur; c'est la seule que Sa Majesté donne aux Conseils Supérieurs des colonies à la tête desquels sont les gouverneurs, lieutenants-généraux et les intendants (57). » De toutes leurs prérogatives, les conseillers ne conservèrent qu'une seule : ils pouvaient accéder à la noblesse. Cette mesure de haute bienveillance, d'abord partielle, devint une règle géné-

(55) Voir LAVISSE et RAMBAUD : Histoire générale du IV siècle à nos jours, t. 6, pp. 36-37 et 151. (56) Doc. pub. par JOUCLA : Ibid. (57) Doc. pub. par JOUCLA : Ibid.


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