Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE CONSEIL SOUVERAIN OU SUPÉRIEUR DE LA MARTINIQUE

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le commerce (17), mais ils ne les appliquèrent pas. D'autre part, ils pensèrent avec raison que toute la législation française ne pouvait entrer en vigueur dans une colonie naissante, où les mœurs étaient d'ailleurs fort douces. Ils entraient dans l'esprit de la loi qui voulut, avant tout, maintenir et augmenter par de bons traitements le peuple des îles. Il était, en effet, recommandé aux gouverneurs généraux et intendants d'excuser, de dissimuler bien souvent les fautes des habitants, « en ne punissant que les grandes et celles dont la suite et l'exemple pourraient causer la ruine des colonies » (18). L'inobservation des ordonnances du roi n'entraîna pas l'annulation des actes passés dans l'île, contrairement aux prescriptions de la coutume de Paris. La déclaration du 14 août 1726 énonce clairement : « Quoique la coutume de notre bonne ville de Paris ait été publiée dans nos îles et enregistrée au greffe du Conseil Supérieur de la Martinique dès le 5 novembre 1681, néanmoins nous avons été informés que la plupart des articles de cette coutume n'ont point été suivis, entre autres l'article 132. Voulons que tous les immeubles vendus aux îles du Vent avant l'enregistrement des présentes ne soient plus sujets à retraits, quoique les contrats d'acquisition n'aient pas été publiés conformément à l'article 132. Voulons néanmoins que le dit article 132 ait lieu à l'avenir aux dites îles (19). » Le Conseil de Saint-Domingue avait au contraire enregistré, sans faire de réserve, les ordonnances du roi. « Dans cet état de législation aux colonies, dit Petit, chaque tribunal, chaque juge, a son système sur l'observation des lois du royaume dans une même colonie. A la Martinique, par exemple, le Conseil Supérieur se conforme aux lois du royaume antérieures à son établissement, en 1667, autant que la différence des lieux n'y fait point d'obstacle ; mais quant aux lois promulguées après sa création, il ne regarde comme lois que les ordonnances de 1667, 1669, 1670, 1673, parce qu'il les a enregistrées en 1681. Ce Conseil infirme les sentences des premiers juges rendus en exécution des lois postérieures, mais non enregistrées (20). » Parmi les questions qui exigeaient des dispositions particulières et précises, étaient celles de l'esclavage introduit dans la colonie. Le Conseil Souverain enregistra donc l'ordonnance de (17) Arrêt en règlement du Conseil Supérieur portant que la coutume de Paris et les ordonnances du roi seront suivies à la Martinique (5 novembre 1681). (Doc. pub. par DURAND-MOLARD : t. 1, pp. 35-37.) (18) Arch. Nat. Col. F3-247. Lettre de Colbert à Baas du 31 juillet 1669. (19) Arch. Nat. Col. C8A-36. Mémoire du Conseil Supérieur de la Martinique, au sujet des retraits dans les isles françaises de l'Amérique, du 6 avril 1726. (20) Doc. pub. par GUYOT : Répertoire de jurisprudence, t. 12, pp. 158-162. 11


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