Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

d'insérer cette exemption dans ses ordonnances » (16). La noblesse, en ne servant dans le corps de la milice que selon son gré, bénéficiait d'une simple tolérance. Soumis à ce service, conformément à l'article 16 de l'ordonnance du 30 septembre 1768, les gentilshommes furent convoqués en janvier 1770 à FortRoyal, afin de se former en arrière-ban ; profitant de la circonstance, ils rédigèrent un mémoire de leurs doléances. D'après eux : 1° l'ordonnance ne leur étant pas adressée par lettrespatentes envoyées au gouverneur général, ainsi qu'il est d'usage en France, ne les concernait pas ; 2° les stipulations contenues dans l'article 16 étaient, en tout sens, contraires aux droits et privilèges de la noblesse ; 3° les nobles ne nommaient pas de sénéchal, et à cause de la condition du pays, ils ne pouvaient jouir des mêmes prérogatives, des mêmes droits et des mêmes devoirs que leurs pairs de la métropole. Tout en prodiguant, à la fin du mémoire, les protestations de fidélité au roi, ils émettaient néanmoins l'espoir « qu'il sera rien changé à l'état des choses et, à cet égard, que le roi les laissera immédiatement sous les ordres du gouverneur général et les maintiendra dans l'usage et la possession de se nommer entre eux un chef, lorsque le corps se trouve assemblé par la nécessité d'une invasion ou d'un soulèvement, et que l'autorité et les fonctions de leur chef ne dureront que tant que les circonstances l'exigeront » (17). En janvier 1771, avisés que leur réclamation avait été bien accueillie à la cour, ils firent enregistrer la déclaration royale leur permettant de ne servir la colonie qu'en cas d'invasion ou de soulèvement (18). Le roi désigna pour leur chef Longvilliers de Poincy, dont l'autorité fut maintes fois contestée. Le comte d'Ennery, après cinq ans de durs labeurs et de bonne administration, sollicita son rappel et partit le 25 février 1771 (19). Un an plus tard (9 mars 1772), le maréchal de camp Nozières et un président à mortier du Parlement d'Aix, Tascher, firent leur entrée solennelle dans la colonie. Ils continuèrent à s'occu(16) Arch. Nat. Col. F3-260. Lettre du ministre au comte d'Ennery du 30 septembre 1768. f°8 1011 et suiv. (17) Arch. Nat. Col. F3-42. Récit des événements qui ont eu lieu aux Antilles, de 1757 à 1763, par un capitaine aide-major des milices au Marin (Martinique), fos 248-250. (18) Arch. Nat. Col. F3-261. Déclaration royale du 16 septembre 1770, f° 73. (19) Son successeur, le chevalier de Valière, ne fit que paraître au gouvernement, car, peu après son arrivée, il fut nommé à Saint-Domingue. Il n'eut que le titre de commandant général des îles du Vent, et ses attributions administratives furent limitées aux seules colonies de la Martinique et de Sainte-Lucie. La Guadeloupe devint donc une administration indépendante, ayant pour chef un commandant particulier relevant pourtant, au point de vue militaire, de l'autorité du commandant général. (Arch. Nat. Col. Lettre du ministre du 1er septembre 1771. F3-261, f° 151.)


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