Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

Avant de se séparer, les membres de l'assemblée rédigèrent pour le roi, au nom des habitants, une seconde lettre justificative, et envisagèrent les mesures à prendre pour enrayer la disette qui menaçait le pays. La colonie, en effet, traversait une grande crise d'alimentation provoquée par les mesures prohibitives prises par les gouverneur et intendant. Le bœuf salé principalement manquait. Pour y pourvoir, on accorda la liberté de l'entrée aux bâtiments étrangers dans les ports de la Martinique. Les navires français, notamment ceux de Nantes, profitèrent de la circonstance pour se livrer à un grand trafic avec les colonies voisines. Enfin le Conseil Souverain, dans sa session ordinaire du 13 juillet 1717, fit son rapport sur la sédition au Conseil de Marine, et décida en même temps d'écrire au chancelier d'Aguesseau pour implorer la grâce des révoltés. De leur côté, parvenus en France, les administrateurs n'étaient pas restés inactifs. Nous voyons, d'après les lettres publiées par Dessalles, que nous avons déjà citées, qu'ils déposèrent entre les mains des membres du Conseil de Marine deux mémoires dans lesquels ils exposèrent les circonstances de l'émeute, en accusant ceux des habitants qu'ils croyaient en être les principaux chefs. Quelle allait être l'attitude de la cour de France en présence de ces deux thèses opposées ? * **

Aussitôt connu le renvoi de La Varenne et Ricouart, le régent ordonna aux sieurs Valemenières, lieutenant du roi (29), La Gual'habitant et le marchand, également tranquilles dans leurs maisons et paisibles dans leur commerce, se trouvent plus animés que jamais à donner des marques de leur obéissance à ceux à qui l'autorité de commander est restée : en cet état, Messieurs, j'ai cru devoir déclarer à cette assemblée, en suivant toujours les mouvemens de la plus exacte fidélité, que je me démets dès à présent du titre de commandant des habitans de cette colonie, n'entendant plus, dès à présent et à l'avenir, faire aucune autre fonction que celle de lieutenant-colonel, dont j'ai été honoré par Sa Majesté. J'espère, Messieurs, que connaissant, comme je viens de vous le dire, les motifs qui m'ont fait agir, vous ne refuserez pas de me livrer un acte authentique de ma présente déclaration, laquelle je vous demande d'être enregistrée sur les livres de vos délibérations, dans les mêmes termes que je vous les délivre. Je vous demande de plus, Messieurs, et je crois qu'il est autant de votre intérêt, comme du mien, qu'avant la séparation de cette assemblée nous nous transportions tous en la maison de MM. les Lieutenants du roi qui se trouvent en cette ville, pour leur faire nos soumissions sur tout ce qui vient de se passer et leur protester d'abondant une fidélité inviolable et une obéissance parfaite aux ordres du roi. » (Bibliothèque de l'Arsenal. Manuscrit 3431, fos 211-212.) (29) Selon l'anonyme du 21 juillet 1717, cet officier, qui avait quitté la colonie quelque temps avant la révolte, était un ami du colonel Latouche. Il s'était empressé de partir, afin d'être à la cour comme un ambassadeur chargé de défendre la famille Latouche. Evidemment, la cour de France ignorait le rôle qu'il jouait en l'envoyant à la Martinique. (Arch. Nat. Col. C8A-22.)


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