Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

Page 123

LE

RÉGIME

MONARCHIQUE

A

LA

MARTINIQUE

115

trateurs La Varenne et Ricouart, elle a subi l'injustice, essuyé l'affront, enduré des souffrances énormes. Elle s'est vu acculer à la ruine, par suite des ordonnances mises en vigueur par ces fonctionnaires qui « n'ont épargné ni menaces, ni cachots, ni prisons, ni fers, ni indignités pour opprimer les gens de bien, sans respect pour la religion, l'honneur du sexe, l'état des hommes, la justice et vos ordonnances même. Ils ont tout détruit, tout avili ; chaque jour voyait éclore nouvelle concussion et nouvelle rapine : une pareille conduite a fait tomber votre colonie dans une disette de vivres qui n'a pas tardé à dégénérer en famine et qui n'a eu pour source que leur avidité particulière ; en sorte que pour empêcher la perte presque certaine de votre colonie et pour la conserver à Votre Majesté, elle s'est trouvée, Sire, dans la déplorable nécessité de prendre un parti qui paraîtra des plus surprenants à Votre Majesté, eu égard à la fidélité que votre dite colonie lui doit et dont elle a toujours ordonné des preuves éclatantes en toute occasion, aux rois vos prédécesseurs depuis le commencement de son établissement » (27). Ce parti, le renvoi des gouverneur et intendant, la colonie le reconnaissait violent, et tout en le regrettant, elle priait le monarque de leur nommer des successeurs. Elle se réservait, en outre, de donner plus tard à la cour une relation détaillée sur le soulèvement. Enfin, en terminant, elle assurait que l'ordre régnait partout, que les habitants étaient rentrés dans l'obéissance. La colonie ne pouvait rester indéfiniment sous les armes. Son chef Dubuc, le premier, donna l'exemple de la soumission. Après avoir réglé toutes les affaires administratives et la distribution des vivres entre les colons, il congédia les compagnies de milices. Puis, convoquant pour le mardi 25 mai en une grande assemblée, le Conseil Souverain, la noblesse, les officiers supérieurs des troupes réglées, les commandants des forteresses, les principaux notables de l'île, il déclara se démettre de ses fonctions de commandant au profit du représentant de Sa Majesté le plus qualifié, le sieur Règue, lieutenant du roi (28). (27) Doc. pub. par DESSALLES : t. 1, pp. 417-419. (28) Son discours nous a été conservé : « Messieurs, quoique la violence dont on s'est servi premièrement pour m'obliger et ensuite pour me forcer de me mettre à la tête des habitants de cette colonie, vous soit connue et que même vous l'ayez parfaitement bien expliqué dans la lettre que vous venez d'adresser au roi, en lui rendant compte de la façon dont vous avez arrêté MM. de la Varenne et Ricouart, et quoiqu'encore vous n'ignoriez pas que le seul motif qui m'a fait préférer le parti de céder aux mouvements d'un peuple irrité, à celui de recevoir la mort dont j'étais menacé, ait été de contenir, autant qu'il me serait possible, son emportement et sa violence, et par là conserver cette isle sous l'obéissance de notre roi; cependant aujourd'hui, Messieurs, que les objets de cette haine universelle sont éloignés et que, par la sagesse de vos délibérations, la paix et la tranquillité viennent d'être rétablies dans toute l'étendue de cette isle; en sorte que


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.