Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE

POLITIQUE ET

ÉCONOMIQUE DE

LA

MARTINIQUE

gens sont très dangereuses pour les colonies, où les affaires demandent à être traitées sommairement, à quoi il doit exciter les officiers de justice. » Traduisant à sa façon ce passage, La Varenne fut vite convaincu qu'il devait observer une attitude réservée envers le Conseil Souverain de l'île. Encore était-il dit : « La police, qui contribue plus que tout autre chose à l'augmentation des colonies pour le bon ordre du travail et l'application des habitants, doit faire une des plus importantes occupations du sieur de Ricouart, en la maintenant dans les lieux où il la trouvera établie, l'affermissant dans ceux où elle aura été négligée, toujours conjointement avec le sieur de la Varenne, avec lequel il doit la faire en commun (7). » Ce dernier paragraphe n'allait-il pas à l'encontre des ordres donnés jusqu'ici aux gouverneurs généraux, notamment des lettres de Louis XIV adressées au comte de Blénac sur les rapports qu'il devait avoir avec la justice ? Si, cette fois, le gouverneur général et l'intendant pouvaient s'entendre, n'y avait-il pas à craindre que la concentration de tous les pouvoirs entre leurs mains et plus encore l'exercice par eux de la justice ne provoquâssent, au sein des institutions existantes dans la colonie, de grands mécontentements ? A peine débarqués à la Martinique, le 7 janvier 1717 (8), les deux fonctionnaires produisirent sur les habitants la plus fâcheuse impression. « Les Martiniquais n'ont qu'à bien se tenir », s'écria La Varenne. Le Conseil Souverain, formulant pour eux des souhaits de bienvenue par l'organe du sieur d'Hauterive, qui « exerçait avec applaudissement et très bien la charge de procureur général » (9), fut vite ridiculisé. « Allons ! interrompt le gouverneur, pas tant de phrases : les ordres dont nous sommes porteurs contiennent à votre adresse plus de verges que de douceurs ! » Peu de temps après, et conformément aux instructions reçues, Ricouart ordonna de suspendre, d'abandonner la construction des sucreries en cours. Soixante habitants se trouvèrent, par cette mesure inattendue, lésés dans leurs intérêts (10). Puis c'est la terreur employée par les administrateurs (7) Arch. Nat. Col. F3-68. Instructions du roi au sieur de Ricouart, intendant des îles du Vent (25 août 1716), f° 157. (8) DESSALLES : t. 1, p. 409. (9) Arch. Nat. Col. C8A-18. Extrait de la lettre du 3 août 1711, de Phélypeaux. Corresp. générale, 1711. (10) Les administrateurs eurent tort d'agir si vite. Une lettre du 21 juin 1717 répondit à la supplique des habitants qui avaient adressé leurs desiderata au Conseil de Marine. Ce dernier écrivit à La Varenne et Ricouart : « Il vous a été ordonné, Messieurs, d'empêcher l'établissement de nouvelles sucreries aux îles du Vent, et le Conseil de Marine a été informé que vous avez rendu une ordonnance pour les défendre; sur quoi, il y a eu des représentations faites par les habitants de ces îles qui exposent qu'ayant


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