Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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LE RÉGIME MONARCHIQUE A LA MARTINIQUE

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priété des armateurs, ceux-ci recevaient un tiers de la prise pour la part du vaisseau et pour les munitions fournies, le reste était ensuite partagé également (31). L'année 1692 se passa en fausses alertes. On s'attendait toujours à une attaque des Anglais. Blénac préparait la défense de son mieux. Le 11 avril 1693, dès l'aube, la flotte britannique, de 46 voiles, était signalée en vue de l'île. Deux heures après, elle mouillait au Cul-de-sac Marin, et montés dans six barques et plus de soixante chaloupes, près de 1600 hommes débarquaient. Le gouverneur général envoya sur les lieux Auger (32) avec environ 80 hommes. La petite troupe ne put empêcher l'ennemi de descendre à terre; mais, embusquée sur le littoral, elle le harcela sans répit, lui causant de lourdes pertes. Deux jours après, les Anglais recevaient de nouveaux renforts : 14 vaisseaux venus de la Barbade, Antigue, Nièves, Montserrat. Furieux d'éprouver des pertes sans savoir d'où partaient les coups, ils brûlèrent les églises, les maisons, les sucreries, les canots, les plantations, etc.. De guerre lasse, ayant affaire à un ennemi invisible, après onze jours, ils se rembarquèrent, firent voile vers le Fort-Royal (33). Les dégâts qu'ils avaient occasionnés dans cette partie Sud de la Martinique se chiffraient à 2 églises, 2 chapelles, 46 maisons, 26 moulins, 27 sucreries incendiées, 20 nègres prisonniers, quelques têtes de bétail emportées, environ 324 barriques de sucre pillées et des ustensiles de sucrerie enlevés (34). A peine Auger et sa poignée d'hommes avaient-ils vu le départ des Anglais, qu'ils firent ce que ceux-ci n'avaient osé entreprendre. Ils s'engagèrent à travers la Montagne, par des sentiers difficiles connus des habitants, traversèrent « l'espace compris entre la côte des Anses Laurent et celle du lieu dit le Cul-de-sac à Vaches, qui, vu de la rade, se trouve à droite de la baie du FortRoyal » (35). La flotte ennemie arriva devant le Fort-Royal, le bloqua depuis l'île à Ramier jusqu'à la Pointe des Nègres. Elle y resta quatre jours, sonda la rade en tout sens, lança quelques coups de canon, puis ses chefs, après avoir tenu conseil deux fois, levèrent le blocus dans la nuit du 26 au 27. Auger arriva avec sa petite troupe qui avait grossi et qui était de 150 hommes. L'ennemi, en pré-

(31) DANEY-SIDNEY : t. 2, p. 273. (32) Auger, gouverneur de Marie-Galante, était à la Martinique. Le roi avait décidé d'abandonner cette île durant les hostilités. (33) Arch. Nat. Col. F3-26, fos 262-263. Voir journal du 5 mai 1693, de M. Auger (attaque anglaise du 11 avril 1693). (34) Ibid., f° 268. Etat des dégâts occasionnés par les Anglais à la Martinique (20 mai 1693). (35) J. GUET : pp. 216 et suiv. 7


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