Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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fut critiquée et jugée sévèrement, à la cour, par plusieurs officiers français et notamment par le sieur Du Casse. Le gouverneur Guitaud, qui n'avait reçu pendant le siège de Saint-Christophe aucun secours de la Martinique, écrivit au ministre pour se plaindre amèrement de lui, faisant ressortir toutefois que « Goimpy est infatigable quand il s'agit du service du roi ». Blénac, se voyant pris à parti par l'opinion publique, sollicita son rappel. Le 1er mai 1690, le marquis d'Alesso d'Esragny fut désigné à sa place (27). Ce haut fonctionnaire, qui était capitaine aux gardes françaises, arriva à la Martinique le 5 février 1691, se présenta au Conseil Souverain pour y remplir les formalités d'usage (28). Il trouva nos colonies dans une grande effervescence provoquée d'un côté par les maux que la guerre commençait à faire sentir, de l'autre par l'appréhension d'une invasion anglaise. L'ennemi, en effet, maître de Saint-Christophe, projetait une attaque dans les colonies françaises. En prévision de ce fait, le nouveau gouverneur général, après avoir distribué des vivres, donna des munitions et des armes à tous ceux qui n'en avaient pas à la Martinique. Il embrigada un certain nombre de nègres qui reçurent aussi des fusils, de la poudre et autres engins de guerre. Il entreprit la consolidation des ouvrages d'art, l'entretien des chemins, etc., etc.. Pour éviter la famine, il recommanda aux habitants la culture des plantes vivrières, car les secours de la métropole allaient sinon manquer, du moins devenir irréguliers. Deux mois après, d'Eragny apprit que Marie-Galante était tombée au pouvoir des Anglais, que la flotte de Codrington attaquait la Guadeloupe. Prenant aussitôt la décision de se porter au secours de l'île sœur, il équipa rapidement une flottille qui partit du Fort-Royal le 19 mai 1691. Celle-ci fit voile vers MarieGalante. A sa vue, les Anglais remontèrent précipitamment dans leurs barques. D'Eragny, sans tarder, appareilla pour la Guadeloupe. Le 24 mai, il arrivait au Gosier, s'acheminait par terre jusqu'à la Basse-Terre, où la flotte britannique était ancrée. Les Anglais, qui étaient décimés en grand nombre par la fièvre jaune, devant le renfort martiniquais, abandonnèrent l'île sans livrer le moindre combat. Mais de retour à la Martinique, le gouverneur général d'Eragny, atteint aussi de la même maladie, succomba le 18 août 1691 (29). (27) J. GUET : pp. 207 et suiv. (28) DESSALLES : t. 1, p. 311. (29) J. GUET : p. 214. La fièvre jaune, appelée encore maladie Siam, fut importée à la Martinique par le vaisseau du roi, l'Oriflamme, commandant Lestrille, qui venait de Siam (Brésil). Nous avons, du gouverneur général d'Eragny, une lettre datée (4 mai 1691)


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