Histoire politique, économique et sociale de la Martinique sous l'Ancien Régime

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HISTOIRE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DE LA MARTINIQUE

dant, les trois plus anciens conseillers et le juge de l'île (20). L'ordre était donné en même temps au chevalier d'Arbouville d'aller avec une escadre protéger les îles de l'Amérique, de rester en croisière dans ces mers jusqu'à l'approche de l'hivernage, puis de se retirer à la Martinique, afin d'être toujours prêt à leur porter assistance (21). Les vues de Louis XIV étaient plus ambitieuses. Il savait que la colonie hollandaise de Saint-Eustache était, selon l'expression de Blénac, « un bijou », que nous n'avions rien d'approchant « comme entrepôt de richesses commerciales et centre de colonisation », et résolut d'en faire la conquête. Le 29 novembre 1688, il écrivait au gouverneur général de la Martinique : « Vous avez été informé de la résolution que j'ai prise de déclarer la guerre aux Hollandais, et comme mon intention est de ruiner leur commerce autant qu'il se pourra et que j'apprends qu'ils en font un considérable dans l'isle de Saint-Eustache, où ils n'ont qu'un très petit fort qui peut estre insulté sans beaucoup de difficultés, je vous escris cette lettre pour vous dire que je veux qu'aussitost que vous l'aurez receue vous preniez les mesures convenables pour vous rendre maistre de cette isle et, pour cet effet, je désire que vous assembliez le nombre de troupes et de milices nécessaire pour cette entreprise. Je veux que vous détruisiez le fort et toutes les habitations, de manière que les Hollandais ne puissent jamais prendre la résolution de venir s'y establir (22). » Il était recommandé par le ministre Seignelay, à Blénac, d'observer la plus grande discrétion sur le but de cette expédition « mesme pour M. de Goimpy » (23). Les instructions envoyées à l'intendant, en le chargeant de faire les préparatifs d'usage (20) La juridiction pour les prises dura jusqu'en 1714, date de l'établissement des sièges d'amirauté. D'autre part, relativement au sort des prisonniers faits en course, le ministre de Ponchartrain, qui avait succédé au fils de Colbert, écrivit en même temps : « L'usage est dans le royaume que le roi se charge de la nourriture des prisonniers de guerre, aussitôt que les armateurs n'en ont plus besoin pour l'instruction des procédures des prises. Sur ce principe, vous avez bien fait de l'ordonner; mais comme ce sera une dépense très considérable et que l'usage est contraire à la Martinique, vous devez y apporter quelque ménagement en obligeant les armateurs de nourrir ces prisonniers pendant deux mois; il leur en coûtera peu, parce que les vivres des bâtiments pris suffiront. Vous établirez cette règle à l'avenir. » (Doc. pub. par DESSALES : Annales du Conseil Souverain de la Martinique, t. 1, p. 303.) Ces instructions furent renouvelées le 10 mars 1745. (Arch. Nat. Col. F3-258. Lettre du ministre à Ranché, fos 15-17.) (21) DANEY-SIDNEY : t. 2, p. 262. (22) Doc. pub. par J. GUET : Les origines de la Martinique, p. 179. (23) De Goimpy avait été nommé intendant à la place de Bégon, dont l'intérim avait été assuré par le doyen du Conseil Souverain, Le Vassor, depuis le 28 novembre 1684.


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