Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE

DES

AVENTURIERS.

ce qui s'était passé avec une lunette d'approche, m'enleva m o n vin dès que j e fus arrivé et m e fit mettre dans un cul de basse-fosse, disant qu'il me ferait périr, en dépit de M. le Gouverneur. Je fus enfermé trois j o u r s , les fers aux pieds, dans ce cachot plein d'immondices. Le quatrième j o u r , on m'ouvrit la porte et o n voulut m'obliger de dire que M . le Gouverneur m'avait demandé ce que faisait M. de la Vie. Je répondis que, quand j e devrais périr, j e ne conviendrais jamais d'une chose qui n'était pas. On me laissa toutefois aller, et on me commanda de défricher une terre qui était autour du fort de la R o c h e . C o m m e j e me vis seul, et que j e n'étais point observé, j e quittai tout, résolu de m'aller plaindre à M. le Gouverneur ; mais avant que de le faire, j'allai consulter le R. P . Marc d'Angers, capucin, qui fut touché de l'état déplorable où j'étais. Il me mena sur-le-champ chez le Gouverneur, qui ordonna aux gens de sa maison d'avoir soin de m o i . O n me donna un bon lit, on ne me laissa manquer de rien, et, en peu de j o u r s , je fus rétabli. Il ne me resta plus d'autre mal que la crainte de retourner chez m o n maître, ce qui n'arriva pas. M. le Gouverneur me mit avec un chirurgien célèbre dans le pays, ne trouvant pas à propos de me retenir auprès de lui, et fit rendre par les mains du chirurgien à M. de la Vie l'argent qu'il avait donné pour m'acheter. Je me tirai ainsi des mains de ce méchant maître, qui, ayant depuis repassé en France, a eu le front de dire à mes parents qu'il m'avait fait tout le bien imaginable. Le lecteur me pardonnera cette digression au sujet des engagés. Je reviens au commandant qui les fait travailler. Lorsqu'ils vont le matin au travail, l'un d'entre eux a le soin de donner à manger aux porcs, car les habitants nourrissent là toute sorte de bestiaux. Il leur porte des feuilles de patates, ensuite il fait cuire des patates et, les ayant préparées avec de la sauce de pimentade, il appelle ses camarades qui sont au travail pour Qdéjeuner. uand ils ont mangé, ils allument leur pipe et chacun retourne au travail. Celui qui a la charge de la cuisine, met cuire des pois avec de la viande et des patates hachées en guise de navets. Lorsque son pot est au feu, il va travailler avec les autres ; et quand il est temps de dîner, il


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