Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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LES

BOUCANIERS

FRANÇAIS.

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voient en ces lieux leurs engagés lorsqu'ils sont malades, afin qu'en m a n geant de la viande fraîche, qui est une bonne nourriture, ils puissent rétablir leur santé. Le travail étant fini, les maîtres vont se divertir, de m ê m e que les autres boucaniers dont j ' a i parlé. Cette vie n'est pas, à beaucoup près, si rude que celle des premiers ; aussi n'est-elle pas si profitable.

Ces

derniers font une grande destruction de sangliers, car ils n'emploient pas tous ceux qu'ils tirent. Quand ils en ont tiré un qui est un peu maigre, ils le laissent là, en vont chercher un autre, et continuent de cette sorte jusqu'à ce qu'ils aient fait leur charge : en sorte qu'ils tuent quelquefois cent sangliers dans un j o u r et qu'ils n'en rapportent que dix ou douze. Ils ne sont pas plus indulgents envers leurs serviteurs que les autres. L'un d'entre eux voyant que son valet, nouvellement venu de France, ne pouvait le suivre, lui donna, dans sa colère, au travers de la tête, un c o u p de la crosse de son fusil qui le fit tomber en syncope. Le b o u canier crut l'avoir tué, le laissa là, et alla dire aux autres que ce garçon était marron.

C'est un m o t qu'ils ont entre eux, pour dire que leurs

domestiques ou leurs chiens se sont sauvés. Ce mot est espagnol et signifie bête fauve ou sauvage. Le maître n'était pas encore loin que son valet se releva et tâcha de le suivre. Mais c o m m e il n'avait pas fréquenté ces bois, il ne put le trouver et demeura quelques jours sans trouver le bord de la mer.

pouvoir se reconnaître

La faim commença

ni

de le presser, ce qui

l'obligea de manger de la viande crue qu'il portait ; car il n'avait rien pour battre du feu, et son maître, croyant qu'il était mort, lui avait ôté son couteau, parce qu'il ne voulait pas perdre une gaine qu'il lui avait donnée, dans laquelle étaient deux couteaux et une baïonnette, que ces gens portent ordinairement à leur ceinture pour écorcher les bêtes qu'ils tuent. Ce pauvre garçon était au désespoir; l'industrie qu'un autre accoutumé à ce pays aurait pu avoir, lui manquait. Il avait cependant pour compagnie un des chiens de son

maître qui ne

l'abandonnait

point ; il ne faisait qu'aller et revenir sur ses pas, il grimpait sur quelque montagne quand il en rencontrait : de là il découvrait la mer. Mais à


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