Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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HISTOIRE

DES

AVENTURIERS,

demi de long et la monture est autrement faite que celle des fusils ordinaires de chasse dont on se sert en France. Aussi les appelle-t-on fusils de boucaniers. Ils sont tous d'un calibre tirant une balle de seize à la livre. Ces gens portent ordinairement quinze ou vingt livres de poudre, et la meilleure vient de Cherbourg, en Basse-Normandie : on l'appelle poudre de boucanier. Ils la mettent dans des calebasses, bien bouchées avec de la cire, de crainte qu'elles ne viennent à se mouiller, car ils n'ont aucun lieu pour la tenir. Leurs habillements sont deux chemises, un haut-de-chausses,

une

casaque ; le tout de grosse toile, et un bonnet d'un cul de chapeau ou de drap, où il y a seulement un bord devant le visage, c o m m e celui d'un Carapoux. Ils font leurs souliers en peau de p o r c et de bœuf ou de vache. Ils ont avec cela une petite tente de toile fine, afin qu'ils puissent la tordre facilement et la porter avec eux en bandoulière ; car, quand ils sont dans les bois, ils couchent où ils se trouvent. Cette tente leur sert pour se reposer et pour se garantir des moustiques dont j'ai parlé ; car sans cela il leur serait impossible de dormir. Lorsqu'ils sont ainsi équipés, ils se joignent toujours deux ensemble, et se n o m m e n t l'un et l'autre matelot. Ils mettent en communauté ce qu'ils possèdent, et ont des valets qu'ils font venir de France, dont ils payent le passage, et qu'ils obligent de les servir pendant trois ans. O n les nomme engagés. Quand les boucaniers partent de la Tortue, où ordinairement ils viennent apporter leurs cuirs et prendre en échange ce dont ils ont besoin, ils s'associent dix ou douze, avec chacun leurs valets, pour aller chasser ensemble en quelque contrée. Arrivés sur le lieu, ils choisissent les uns et les autres un quartier différent, et lorsqu'il y a du péril, ils chassent tous ensemble. D'autres sont seuls avec leurs valets. Lorsqu'ils arrivent dans un lieu p o u r y demeurer quelque temps, ils bâtissent de petites loges dite ajoupas ; ils les couvrent de queues de palmiste et ils tendent leurs pavillons sur ces loges. Le matin ils se lèvent dès que le j o u r c o m m e n c e à paraître et font détendre les pavillons par leurs valets, s'ils n'espèrent pas revenir coucher là. S'ils reviennent, ils laissent un h o m m e p o u r les garder.


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