Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

Page 52

HISTOIRE

44

DES

AVENTURIERS.

Les Zélandais qui étaient sur le point de revenir, avertis de ce qui s'était passé et craignant qu'on ne leur jouât un mauvais tour, n'osèrent aborder. Cependant M. d'Ogeron, voyant que ses desseins ne réussissaient pas, permit le trafic à tous les marchands français, en payant cinq p o u r cent de sortie et d'entrée. Cette disgrâce n'a pas empêché que M. d'Ogeron n'ait beaucoup augmenté la colonie ; il y a fait venir quantité de familles de Bretagne et d'Anjou qui présentement y sont bien établies. Les boucaniers y sont rares, parce qu'il n'y a plus de chasse, toutes les bêtes à cornes étant détruites. En effet, les Espagnols, voyant qu'ils ne pouvaient empêcher les Français de chasser, en firent autant de leur côté, et les aidèrent, pour ainsi dire, à détruire toute l'espèce, persuadés que, par ce m o y e n , ils les obligeraient enfin à se retirer. Mais ils furent trompés dans leur attente. Les uns, à défaut de la chasse, ont formé des habitations, et se sont rendus aussi puissants que les Espagnols, excepté qu'ils n'ont ni ville ni forteresses. Les autres, que l'on appelle maintenant aventuriers

ou flibustiers,

ont

armé des navires pour aller en course, et se sont adonnés à faire des prises sur mer. Dans la suite, leur nombre s'est tellement accru, qu'ils se sont vus assez forts pour faire des descentes et prendre des villes. En 1 6 7 5 , le commandant de l'armée du Roi, qui avait engagé une expédition contre Curaçao, mandait à M. d'Ogeron,

gouverneur de

Saint-Domingue, de lui envoyer le plus possible de flibustiers, estimant difficile de réduire cette place sans leur concours. M. d'Ogeron en embarqua donc quatorze ou quinze cents, c o m m a n d é s par Tributor, le Gascon, Grammont, Pierre Ovinet et le grand Ovinet (car ils étaient deux cousins de ce n o m très fameux), Beau-Regard, et autres, tous gens résolus et capables d'une grande entreprise. Chemin faisant, dans les parages de P o r t o - R i c o , à nuit fermante, on fut pris d'un coup de vent du Nord et la Grande Infante

s'échoua. Le

lendemain, le reste de la flotte, qui ne s'était pas rendu compte de l'accident, continuait sa route, sans s'informer de rien davantage, dans la pensée que le navire se trouverait au rendez-vous.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.