Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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L'ESCADRE DE M. DE POINTIS.

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Le lendemain, l'armée appareilla à cinq heures du matin, et fit route pour le petit Goave, où elle mouilla, et fit de l'eau et du bois p o u r trois mois. Le petit Goave est un quartier situé à trente lieues sous le vent du cap Français, et à sept lieues de Leogane. C'est l'endroit que les flibustiers choisissent ordinairement pour s'assembler; et Leogane, le lieu séjourne M. Ducasse, gouverneur à bord de l'Amiral,

de

l'île Saint-Domingue.

Il vint

et conféra avec les officiers. On trouva dans cette

rade environ mille flibustiers dans plusieurs petits navires, avec lesquels ils ont coutume de faire leurs courses. Les vaisseaux, partis le 13, mouillèrent le 17. Le 18, on mit à la côte la frégate le Favori, qui n'était armée qu'en flûte. Son équipage avait passé dans le Christ,

et on embarqua dans chaque vaisseau les troupes qui

devaient composer un m ê m e bataillon pour la facilité du débarquement. Sur ces entrefaites, il arriva une affaire assez particulière. On arrêta au corps de garde de la marine un flibustier qui avait causé quelque désordre. Ses camarades se trouvèrent choqués de sa détention; ils le demandèrent avec assez d'arrogance, et, sur le refus qu'on leur fit de le relâcher, ils résolurent de l'enlever de force. Un garde de la marine qui commandait, les voyant approcher, leur cria de se retirer, ou qu'il ferait tirer sur eux. Cette menace ne les étonna point et ils continuèrent; on fit sur eux une décharge de laquelle il en resta trois sur le carreau. L'officier se renferma dans son fort, les flibustiers coururent tous aux armes et s'assemblèrent, se proposant de sauver la vie à quelque prix que ce fût à leur camarade. On fit tout ce que l'on put pour empêcher cette s é d i t i o n ; et c o m m e on avait affaire à ces sortes de gens, il était de l'intérêt général de détourner cette espèce de guerre civile. Mais leurs oreilles n'entendaient aucune raison, et ils méprisaient tout ce qui pourrait leur arriver. Ils avaient résolu de se retirer dans les bois, et d'y faire des cabales, ou de passer au pays ennemi. Ce q u ' o n pouvait leur dire, loin de les détourner de leurs desseins, en hâtait l'exécution.

On

avertit M . de Pointis du désordre qui allait

arriver. M. Ducasse était malheureusement absent.


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