Les aventuriers et les boucaniers d'Amérique

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MONBARS L'EXTERMINATEUR.

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soutenait les efforts des deux autres vaisseaux avec tant de valeur et de fortune, qu'après en avoir coulé un à fond, il aborda l'autre. Les Indiens qui le virent entrer par un côté, se jetèrent promptement à la nage pour le joindre de l'autre c ô t é ; ils entrèrent à l'improviste, et, surprenant les Espagnols par derrière, ils en enlevèrent un grand nombre à bras le corps, les jetèrent à la mer, et en expédièrent aussi beaucoup d'autres à coup de sabre, dans le navire m ê m e , tandis que Monbars, secondé des siens, passait au fil de l'épée tous ceux qu'il rencontrait. Ainsi il se vit maître en peu de temps d'un navire plus grand et mieux équipé que ceux qui avaient sombré. Si Monbars avait conçu tant de haine contre les Espagnols, pour avoir massacré les Indiens, on peut bien s'imaginer que cette haine redoubla lorsqu'ils eurent causé la mort de son oncle. Il cherchait tous les moyens de la venger, et se trouvait même assez fort pour l'entreprendre; car il se voyait monté de deux vaisseaux des plus beaux et des meilleurs voiliers qui fussent peut-être alors sur la m e r ; et pendant le naufrage de celui de son oncle les plus braves gens avaient été sauvés, et il avait perdu peu des siens. Les boucaniers lui proposèrent donc de faire une descente dans un lieu qui se rencontrait sur leur route, et qui était tout propre à exercer sa vengeance à cause de la multitude des Espagnols qui l'habitaient. Il n'en fallut pas davantage pour l'y résoudre; mais il ne put exécuter son dessein avec tant de promptitude, ni de secret, que le Gouverneur du pays n'en fût averti, et qu'il ne donnât bon ordre à tout et ne fît embusquer dans les bois et dans les crevasses des montagnes, quelques nègres qu'il avait, et d'autres

soldats de la milice du Roi d'Espagne.

Outre cela, il prit avec lui cent h o m m e s de pied, qu'il disposa en trois bataillons, et quelque cent à cent vingt chevaux, à la tête desquels il se mit, avec quatre pièces de canon, lesquelles commencèrent à tirer pour i n c o m m o d e r la descente de Monbars, qui leur fit rendre la pareille avec tout le canon de ses vaisseaux. Les canonnades des ennemis,

loin de faire peur aux boucaniers et

aux Indiens, ne firent qu'allumer leur a r d e u r ; car, suivant l'exemple de Monbars qui tout le premier s'était jeté à terre, ils le suivirent de si près, que celui qui se trouva le dernier à s'y jeter s'estima le plus malheu-


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